AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Soukiang


Dans la confusion des genres, tous les goûts sont dans la nature, quand celle-ci vous attribue des qualités mais aussi des imperfections, la beauté réside dans l'âme, dans l'écoulement des jours et des vies, il ne fait aucun doute que l'histoire qui m'a été généreusement proposé ici, j'ai été littéralement touché par nombre de messages sous-jacents, ne pas juste se contenter de gratter la surface des choses, sortir de ses habitudes de lecture devient presque une évidence, quelque soit le mode d'expression, être prêt à prendre des risques c'est justement se voir proposer des pistes de réflexion inédite, autant le dire haut et fort, la plume de l'auteur du Syndrome de Dawn: le Maître des fourmis m'a séduit dans sa mise en lumière d'une humanité qui s'effrite, plusieurs questions vous accapareront au gré de l'avancée de la lecture, comment arrêter l'hémorragie avant qu'il ne soit trop ... tard ?

En lisant le parcours atypique de Freeric Huginn, entre rêves et désirs de prouver l'importance d'écouter toutes les voix, aussi singulières que différentes les unes que les autres, l'entame du roman instaure un dialogue entre le protagoniste, Galdric et le lecteur, de l'ironie de la vie à vision lucide de ses contemporains, de l'amour à la fatalité, de l'espoir fou à la prise de conscience, il existe toujours cette chaîne de particules qui tend à réserver des surprises, rien n'est jamais garanti, la vie est une succession d'épreuves dont il faut toujours se préserver, suivre une ligne conductrice au risque de prendre la tangente, chaque instant induit une conséquence, on peut évoquer l'effet papillon comme le grain de sable qui peut enrayer la machine promise à écrire la feuille de route, qui dit atypique dit aussi originalité du propos, des bancs de l'école à aujourd'hui, de l'eau a charrié sous les ponts, défendre des valeurs essentielles de l'humanité en l'intégrant dans une histoire à tiroirs, l'auteur m'a conquis par son écriture d'une grande humanité, sans chichis, flirtant souvent avec la folie qui ronge les êtres humains et l'avenir d'une terre en proie à tous les excès possibles, mettre un pied dans l'étrier de la roue du destin, c'est ouvrir les yeux et porter un regard neuf sur la vie.

La construction de l'histoire se scinde en plusieurs parties, comme la couverture du livre nous l'invite, interpréter ces courants d'air dans une forme d'intemporalité et en appréhendant une narration à la première personne, sous les yeux de différents personnages, comme autant de regards face à l'inéluctable, la roue du temps a déjà commencé à tourner, cette dimension nouvelle pourra vous déstabiliser et vous poser des question quant à la cohérence de l'ensemble, il existe une caractéristique fondamentale chez l'être humain, le contrôle et la patience dévolue, la recherche du temps perdu et la vengeance sont parmi les thématiques les plus usitées dans la littérature, force est de constater en gagnant du terrain, le style est là, l'auteur donne dans la pertinence des flashs correspondants aux parcours de chacun, cette métaphore qui prolonge le titre éponyme, le Maître des fourmis, vous comprendrez rapidement qu'il ne s'agit nullement d'une histoire rectiligne, tout est dans la fragilité et l'impermanence des choses, surprenant et déroutant, vous n'aurez de cesse de tourner les pages pour en ressentir la grande profondeur des messages véhiculés, la fuite du temps qui écrase et désoriente la destinée, le deuil, la souffrance exprimée et la peine incommensurable, dans cette quête désespérée presque vouée à l'échec, sans le ressort indispensable et le mince espoir dans les lignes perturbées de l'esprit, il est des histoires, aussi fictives qu'elles soient, qui ne peuvent laisser indifférentes.

Au-delà d'un récit d'anticipation, au bord du gouffre, ce sentiment d'être précipité dans un abîme, dans une chute annoncée d'une planète qui se meurt, cultiver la différence, se démarquer pour oser frapper fort du poing sur la table, renverser des opinions tranchées voire imperméables à tout changement, l'auteur ne juge jamais ni ne verse dans la condescendance, il présente des faits et des constats, la balle est désormais dans notre camp pour agir et surtout réagir, l'amour éternel est une équation complexe, dans la forme comme dans le fond, jusqu'où est-on vraiment prêt à se sacrifier pour les siens ?

"Devise des fourmis : « lentement mais toujours en avant"

Quand le récit mêle plusieurs pistes de réflexion, le handicap, le regard de l'autre et tout ce qui peut débattre dans l'affirmation de soi, du poids du silence et de ces choix de vie, transcender le genre littéraire pour impacter l'esprit, lui entrevoir d'autres portes que le risque de formatage asséné au quotidien peut engendrer, ouvrir les yeux devant l'inévitable et la perte irrémédiable, l'intérêt du récit se bonifie au fil des pages, dans la jonction et le lien filaire qui va se tisser entre deux personnages, toujours avec cette audace et cette légèreté dans les mots, l'auteur surprend et c'est toute l'histoire qui rebondit pour le meilleur dans l'entrelacement des intrigues, des personnages qui devront se remettre en cause, des surprises viendront égrener et insuffler un nouveau souffle, il y a du rythme, pas le temps de s'ennuyer, les chapitres courts se succèdent dans une belle dynamique, tous les ingrédients d'une lecture addictive et tout en contraste sont réunis, le lecteur pourra alors s'approprier le contenant avec sa sensibilité et son approche personnel de la littérature.

Pour l'auteur, l'important réside dans le partage de sa vision, à chacun son opinion, il n'en reste pas moins que si une ou plusieurs idées viendront titiller la conscience et elles ne sont pas avares dans le texte, le pari sera alors gagné avec toujours en ligne de mire, cette envie de véhiculer des messages forts, de tirer la sonnette d'alarme et par-dessus tout apporter cette compassion de l'humain mais également au regard de la nature et des espèces tant animales que végétales, tant que l'espoir perdure, tous les compromis et potentiels de chaque être humain pourront tendre vers un but universel : une aube nouvelle pour un monde meilleur. A méditer.

Une belle découverte auto-éditée, si les fourmis existent depuis la nuit des temps, ce n'est pas un hasard, l'analogie avec la société humaine n'est pas un secret, si l'auteur Bernard Werber en a écrit une trilogie littéraire marquante, si les fourmis symbolisent la capacité d'adaptation dans tous les milieux (climatiques, socio-économiques, politique, croissance de l'espèce humaine ...), si elles sont réputées pour leur abnégation au travail et cette propension à ériger des échelles complexes dans la structure organisationnelle, la vision glaçante du Syndrome de Dawn: le Maître des fourmis de Freeric Huginn s'inscrit dans une veine plus large pour sonder des questionnements existentiels.

Dans l'infiniment petit comme l'insignifiance de l'humain à l'échelle planétaire, "nous ne sommes que des fourmis par rapport à la taille de l'univers", quel est le degré qu'on peut accorder, aujourd'hui, à la disparition d'une personne,
les traces qu'elle aura laissées, quand une personne manque, faut-il être conditionné pour crier, pleurer le sort et le destin cruel qui peut s'acharner, quelle alternative reste-t-il ? Quelle solution restent-ils pour survivre et avancer ?

Se poser des questions n'est pas synonyme d'ignorance ou de naïveté, la curiosité n'est pas un vilain défaut, oser c'est défier, défier c'est peut-être apercevoir le bout du tunnel, des réponses attendues après force de persuasion et d'intérêts, le travail trouvera sa récompense, un jour ...
"Celui qui pose une question est bête cinq minutes ; celui qui n'en pose pas l'est toute sa vie" (proverbe chinois).
Commenter  J’apprécie          10







{* *}