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Critique de colimasson


Le discours psychiatrique, qui n'a plus bonne presse (à raison), cherche à se renouveler. Il commence à apparaître un peu trop clairement (bien que demeurent heureusement des exceptions) comme un discours technologique qui propose la substance chimique comme réponse à la demande de l'autre, négligeant de prendre en compte l'appel au-delà du besoin, réduisant la ternarité fondatrice des échanges symboliques au binarisme programmatique de la relation spéculaire – ils se regardent en chiens de faïence.

Certains psychiatres reconvertis, comme Olivier Chambon, décideront ainsi de virer leur cuti. Ils resteront certes psychiatres, mais améliorés – psychiatre transhumanisé en quelque sorte. A la question de savoir ce qu'il pense, par exemple, de la psychanalyse, M. Chambon répondra sans fléchir que son temps est fini, qu'il s'agit d'une discipline d'arriérés, et que l'avenir appartient au chamanisme.

Que certains individus privilégiés parmi les rares peuplades encore non occidentalisées de cette planète nous parlent de chamanisme (mais pourquoi le feraient-ils), je veux bien, mais qu'un ancien psychiatre ayant découvert la discipline par des sources douteuses, fut-ce voici dix, vingt ou trente ans – la durée ne compte pas lorsque la source est corrompue – s'en fassent les apôtres immodestes, voilà qui me laisse pantoise. Nous pouvons douter de l'érudition des éveilleurs de conscience lorsque, pour illustrer leurs propos sur la spiritualité, ils se réfèrent à des métaphores technologiques : qui comparera l'intuition à la voix du GPS, qui comparera le chamanisme à internet, etc.

Le passage d'un discours techno-psychiatrique à un discours du maître-gourou a toutefois l'avantage d'entériner la progression du 2 au 3 : plutôt que d'abrutir le patient par la réponse médicamenteuse unilatérale, le psychiatre apôtre du chamanisme (vantant le chamanisme au point de se faire chamane lui-même) propose une tierce voie, soit celle des esprits cosmologiques. Mais le gourou, quoiqu'il essaie de se donner une image sympathique en se parant de plumes ou en déambulant dans les couloirs de l'hôpital avec un tambourin, reste encore la dupe du discours du maître. Comme lorsqu'il proposait le médicament, le psychiatre-chamane ne peut s'empêcher de dire « je sais mieux que toi ce que tu es et ce dont tu as besoin ». La réponse chamanique est certes plus floue et destitue partiellement le psychiatre de la toute-puissance qu'il peut exercer sur le patient. Ce dernier peut ainsi trouver sa place dans ce système, à condition de s'émanciper de l'idée que le psychiatre sait mieux que lui ce qu'il en est de l'utilisation du chamanisme aux fins de la guérison de l'homme contemporain. Je ne crois cependant pas que ce soit le sens de ce livre.

Amen.

Lien : https://colimasson.blogspot...
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