La Hulotte, n°85

Le castor est fait comme un rat, pris dans la nasse d'un corps qui lui déplaît. Il espère un remaniement intégral de ses capacités, une refonte totale de sa physionomie en s'adressant au service des espèces animales. Reçu par le professeur Martagon, il expose ses griefs et son ressentiment. Il dit avoir été lésé par la nature. le docte scientifique va reprendre les doléances au fur et à mesure et montrer en quoi le défaut s'avère être une qualité étonnante. Les grosses pattes arrière sont de puissantes rames, la queue plate devient dans l'eau un gouvernail et une nageoire, les dents solides et tranchantes sont aptes à cisailler des arbres d'un mètre de diamètre. le professeur Martagon expose ensuite les dix utilités du barrage, au grand ébahissement du castor et la nécessité de confectionner un terrier dans la berge.
En 2004, Pierre Déom met en scène et en lumière un rongeur particulièrement méconnu du grand public. Pourquoi ronge-t-il les arbres ? À quoi est due la forme en sablier des troncs rongés ? À quoi sert un barrage ? Pourquoi existe-t-il une distance maximale de trente mètres de part et d'autre d'un cours d'eau correspondant au territoire du castor ? Tout s'éclaire sous la plume et la verve du naturaliste raconteur d'histoires. Des révélations surprenantes surgissent du dialogue entre le professeur et le rongeur mais le ton était déjà donné en prologue avec un mini questionnaire sur l'usage de la queue du castor avec treize propositions où les plus farfelues ne sont pas nécessairement celles qui sont à rejeter. Souvent pris à contre-pied, le lecteur ne peut qu'apprendre en s'amusant et le contraste entre le propos sérieux du professeur et la plainte naïve du rongeur crée une situation constamment drôle. Pédagogue chevronnée, l'auteur explique la construction d'un barrage avec d'éloquents dessins. Seul animal au monde avec l'homme et l'éléphant capable d'abattre un arbre de plusieurs tonnes, le castor est un constructeur extraordinaire et mérite son surnom d'Einstein des rats.