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Critique de lebelier


En 1966, Claudie (Mélu dans le récit) et son mari Francis (Pagel) décident de se lancer dans l'élevage de moutons dans les Vosges alsaciennes. Pagel a une formation d'éleveur de l'école de Rambouillet et Claudie est professeur d'arts plastiques. C'est d'abord une petite ferme puis une plus grande plus haut qu'ils s'offrent et enfin un troupeau venu de la Sarthe. Ils tirent leur vie de la nature, précèdent le fameux « retour à la terre » de la mouvance soixante-huitarde.
Les moutons seront des « porte-laine », laine qui sera teinte avec les ingrédients de la forêt (lichens, fleurs diverses, fougères…) et ensuite tissé sur un métier à tisser commandé en Suisse sous les instances d'un moine ermite qui leur montre comment le manipuler. Il y a la nature souvent les bras tendus mais aussi les saisons comme l'hiver avec, à l'époque, de grandes hauteurs de neiges. Les joies sont simples. Claudie tire sa joie justement de cette lutte, une joie qui demeure à l'instar des paysans de Giono que je suis en train de lire en parallèle.
Il y a les amis qui passent, vagabonds, étrangers, routards qui laissent leur amitié leur travail ou des objets confectionnés. Puis il y a les fâcheux, curieux qui les admirent secrètement mais qui n‘oseraient pas franchir le pas de se mettre en retrait du monde et pas tous bien perçus par Claudie qui pense que ceux qui vivent dans les villes et qui lui disent « quel courage ! » ne veulent pas de cette vie où l'on se lave à l'eau froide et on l'on ne sait de quoi demain sera fait. Elle est heureuse comme ça mais ne se rend pas compte que tout le monde ne peut comprendre ou ne peut le faire. C'est ce que lui a reproché Charlie Hebdo justement cité en préface par Pierre Schoentjes : si tout le monde faisait comme eux, leur espace serait vite envahi. C'est déjà bien assez que les chasseurs tuent les bêtes familières et que les promoteurs coupent des arbres pour y installer des chalets pour touristes. Eux, sont déjà cinq ou six à rêver d'un nouveau village avec boulangerie, fromagerie et jardin potager. Les tissages de laine de mouton teinte se vendent bien aux expositions des grandes villes de cette époque : finalement les gens des villes les font vivre un peu. Que Claudie soit tombée amoureuse de cet endroit et s'y sente complétement intégrée, c'est indéniable. Parmi les gens de passage, certains restent, d'autres pas, d'autres encore se posent des questions sur leur vie future. Claudie-Mélu a choisi et c'est une grande chance pour elle.
Le lecteur est bercé chaudement par cette nature à la fois hostile et généreuse où les bêtes apportent leur chaleur et les livres ont leur importance. Les quatre éléments, le ciel et ses étoiles font partie intégrante de cette harmonie qui s'est instaurée à Bambois. Mention est faite au livre contemplatif, Walden de Thoreau, les poètes surréalistes, Charlie Hebdo.
Ce n'est pas un roman mais plutôt un témoignage à deux mains Pagel écrit aussi quelques faits sur l'élevage des moutons mais il n'a pas toujours le temps, le travail est rude et chacun le fait de son mieux parce que chacun le fait dans la joie renouvelée. C'est un des premiers livres sur la décroissance. Publié en 1973, il vient d'être réédité et cela ne me semble pas un hasard.
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