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Critique de Ellane92


Jenny et Sils ont 60 ans. Leur librairie dans les vignes est en faillite et leur compte en banque à sec. Il ne leur reste rien, que les livres dont ils ne peuvent se séparer, et une propriété inconstructible dans la montagne vosgienne, une ruine sans eau ni électricité à 1000 mètres d'altitude. Sils part en voiture, avec ses cartons, tandis que Jenny s'y rend à pied, en compagnie de l'ânesse Avanie et de Betty, leur chienne. Cette propriété, c'est Survivance. C'est le mois de mai, le temps pour ces libraires de réparer la toiture de la grange, de planter le potager, de faire des réserves pour l'hiver rigoureux.
Jenny et Sils font, en sens inverse, le chemin qu'ils avaient parcouru quarante ans auparavant, quand jeunes et pleins de projets, ils avaient vécu un été sans contrainte avant de réaliser leur rêve. A l'époque, déjà, une autre ânesse, Utopie, les accompagnait.

La survivance est un livre assez atypique, de par son contenu et son traitement. On y suit Jenny et Sils, soixantenaires "intellectuels", tenter de se préparer à l'hiver rigoureux qui s'annonce. Ils n'ont plus d'argent, plus de maison, plus de jeunesse, pas de but autre que celui de tenir contre l'hiver qui s'annonce. Pour le printemps qui suivra, on verra bien. Ce qui leur reste, ce sont des livres, et des rêves brisés. Chacun d'entre eux tentera de s'acclimater à sa nouvelle vie, avec plus ou moins de bonheur, en en tirant plus ou moins de satisfaction. Ils devront s'acclimater aussi bien au climat qu'à la solitude, se réhabituer à vivre à deux, de peu.
Mais au-delà de ce côté "pourront-ils survivre à leur nouvelle vie", ce livre évoque avant tout, pour moi, l'impossibilité de notre société d'accueillir ceux qui sont un peu différents, dont les normes ne sont pas celles du tout-venant, qui vivent pour et de leur passion, jusqu'à en oublier les prérequis terre-à-terre de notre vie. C'est Jenny qui le dit : "En fait, nous étions façonnés de lectures et de rêves (et d'expériences plus poétiques que stratégiques), ce qui pouvait ne pas sembler malin alors que les temps nous demandaient de nous montrer dynamiques, électroniques, immédiats et vifs, hypermodernes, ne sachant même plus ce qu'était un roman." La survivance est pour moi la réponse de Claudie Huntziger, "artiste et écrivain français, qui place l'écriture au centre de son travail, explorant le concept du livre, construisant des Bibliothèques en cendre, tout en publiant chroniques et récits." selon sa biographie, à cette question, un constat plutôt déprimant, tout comme le nom de l'ânesse, Avanie…
J'ai apprécié les rencontres de Jenny avec ses voisins "peaux-rouges", je me suis sentie moins concernés par les discussions initiées par Sils autour des pigments utilisés par le peintre Grünewald.

La survivance est un roman sensitif, différent, libre, un peu triste et nostalgique. Une nouvelle vie, ce sont de belles conquêtes, mais aussi des abandons, des pertes. Ce livre fait écho à "Bambois, la vie verte" qui raconte l'histoire d'un couple de citadins qui font le choix de s'exiler dans la montagne, pour y vivre une autre vie. La mise en parallèle de ces deux livres (je n'ai pas lu Bambois) donnerait certainement plus de profondeur à leur lecture, et peut-être permettrait de relativiser le constat assez sombre que l'on fait, en tournant la dernière page de la survivance.
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