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Critique de enjie77


« Je continuerai à espérer des jours meilleurs pour l'humanité. Je me comporterai comme Maurice Zilberstein, ce vieux juif qui depuis plus de soixante ans va prier deux fois par jour au Mur des Lamentations. Emerveillée par une telle constance, une jeune journaliste venue d'une chaîne américaine va le trouver. Eh quoi ! Prier depuis tant d'années ! Que demande-t-il donc ? le vieil homme répond : « Je prie pour la paix entre les chrétiens, les juifs et les musulmans. Je prie pour la fin de toutes les guerres et de la haine. Je prie pour que nos enfants grandissent en sécurité et deviennent des adultes responsables qui aiment leur prochain ». La journaliste lui demande alors ce qu'il ressent après soixante ans de prières. La réponse du vieux Zilberstein est un chef-d'oeuvre à la fois de sagesse orientale et d'humour juif. Comme s'il avait l'habitude de répondre à ce genre de question, il dit « j'ai l'impression de parler à un mur ! ».

Confiné entre les quatre murs (ah !!!) de son appartement parisien du 20éme arrondissement, le calme, la solitude incite Fawaz Hussain à la méditation, à l'introspection. Dans cet immeuble de briques rouges cohabite tout un monde issu des quatre coins du globe. L'auteur pose un regard empreint de tendresse autour de lui, sur son quartier, sur ses voisins. Il revient sur cette période compliquée, crise sanitaire oblige, et sur tout son cortège d'incohérences, d'avalanches d'informations anxiogènes se contredisant les unes les autres, sur des statistiques en chaîne, sur un traitement médiatique désastreux, entraînant des effets dévastateurs sur la santé psychologique de certaines personnes, alimentant ainsi le repli sur soi sans parler du désastre économique. Eprouvante période où nous nous sommes tous retrouvés projetés, ballotés d'un avis d'expert à un autre, de quoi être totalement déboussolé ce qui fait dire à l'auteur « Si je me montre critique à mon tour envers la gestion de cette crise, c'est que je m'inclus dans cette vieille nation que j'aime ». Merci Fawaz Hussain pour ce sentiment d'unité.

Dans la solitude de l'exil, comment se maintenir lucide au milieu de cette tourmente, à qui peut-on se confier quand tout devient autour de vous aussi confus. D'où ce très joli titre « A mon père, ce repère ».
Fawaz écrit à son père. C'est comme une nécessité impérieuse, un besoin de retrouver, de sentir le contact indicible de cet homme qui a toujours été une référence, un sémaphore qui indique la bonne direction même si ce père n'est plus, il y a tous ces souvenirs qui sont là, tapis au fond de la mémoire, alors Fawaz Hussain cherche à esquisser le portrait de son père dans son silence intérieur, à rassembler les morceaux épars de la personnalité de celui-ci qui seraient un peu comme des bittes d'amarrage lorsque l'homme désemparé se compare à un bateau en proie aux vagues successives que vous imposent une pandémie. « Etre ensemble contre vents et marées ».

L'auteur évoque tout à la fois son quotidien parisien, ses amis, Monique la Marseillaise, Martine L ex-assistante juridique, ses voisins de quartier, ses rencontres, la vie de son arrondissement dans cette période difficile. Il raconte simultanément sa vie en Syrie, sa famille, ses racines kurdes. Il revient sur ses échanges avec ses frères. L'évocation de sa famille restée en Syrie est empreinte de tristesse, d'inquiétudes. La dualité de l'auteur se fait sentir, il est comme morcelé entre Paris et Amouda, sa ville. Mais d'écrire à son père lui donne la force de traverser cette épreuve. Son esprit voyage entre les paysages syriens, l'histoire des kurdes, la guerre en Syrie et son effroyable pouvoir de destruction, tout en retraçant un magnifique voyage en Ouzbékistan. Il revit et raconte les grands moments d'émotion intense comme celui vécu au pied du cimetière de la petite bourgade de Khiva en Ouzbékistan.

Tout ce récit est un hommage à son père, disparu, sans qu'ils aient pu profiter pleinement l'un de l'autre. La douleur et les regrets bien que tenus à distance, transparaissent entre les lignes mais la bonté de l'auteur s'exprime clairement. En écrivant cet ouvrage, Fawaz a renouvelé sa piété filiale, celle qu'il taisait mais qui demeurera à jamais « gravée dans le marbre ».

J'ai reçu ce livre dans le cadre d'une masse critique et je tiens à remercier les Editions du Jasmin et Babelio de m'avoir accordé ce livre de Fawaz Hussain qui sera aux Rencontre Méditerranéennes!
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