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Critique de latina


« Toi la pellicule ultrasensible, comment est-ce possible, comment ? Tu n'as rien vu, rien deviné, rien senti, rien compris, rien détecté ? Non, parce que pas ça, non, le sein oui la peau oui l'estomac oui les bronches oui le médiastin oui depuis 1936 la photographie infrarouge est reconnue pour son extrême utilité dans ces domaines-là mais ça non, non, pas du tout. »

Ici, nous sommes au plus profond du coeur de Rena qui vient d'apprendre deux nouvelles complètement bouleversantes ; nous sommes à la première page du roman...Ces nouvelles, nous les ignorerons tout au long de l'histoire puisque celle-ci est un flash-back. C'est seulement à la fin que nous sera dévoilé ce cataclysme dans la vie de Rena, 45 ans, photographe travaillant souvent avec un filtre infrarouge pour voir « la réalité des choses », la « chaleur qu'elles dégagent ». La chaleur des gens, surtout, et particulièrement des hommes au moment de l'extrême abandon de l'acte physique.
En effet, Rena aime les hommes. Elle a eu plusieurs compagnons, dont elle a eu 2 garçons, maintenant adultes. Elle aime Aziz qui s'apprête à signer avec elle l'achat d'un appartement à Paris. Mais elle le quitte pour une semaine afin d'accomplir avec son père et sa belle-mère un voyage en Italie, plus particulièrement à Florence. Ce voyage, elle veut l'accomplir jusqu'au bout coûte que coûte, malgré son incompréhension croissante face à son père vieillissant, malgré sa belle-mère parfaite touriste cultivant tous les clichés, malgré la folie qui s'empare de la banlieue parisienne avec laquelle elle se sent en symbiose (« J'habite Belleville, où le bilinguisme est la règle et non l'exception. Je n'ai plus de patience pour ceux qui croient savoir qui ils sont pour la simple raison qu'ils sont nés quelque part »).

Ce voyage, nous l'accomplirons avec elle, qui nous fera découvrir les merveilles de Florence, décrites avec tant de passion et de minutie, le brouhaha des rues, le silence des musées et des églises, la beauté des paysages de Toscane, l'accueil d'une propriétaire de chambres d'hôtes au prénom si vibrant : « Gaia ».
Et pourtant une rage sourde l'habite, car ce voyage est l'occasion de faire remonter à la surface des souvenirs de blessures : blessures d'enfance, blessures de fratrie, blessures d'amour, blessures de rapports humains, finalement. Au début, d'ailleurs, j'ai été déconcertée par cette rage qu'elle réussit toujours à contenir, mais peu à peu je m'y suis habituée et je l'ai acceptée puis finalement comprise. C'est qu'elle n'a pas eu une vie facile, Rena ! Elle pourrait appliquer à elle-même cette pensée : « Comment font-ils ? Comment font les gens pour continuer ? » Heureusement cette vie contient quelques belles amitiés, joyaux à préserver.
Et toujours, toujours, son père, sa mère, son frère la hantent. Son père, présent à ses côtés, mais si différent de ce qu'il était. Sa mère, « partita » comme elle le dit si bien à Gaia, et son frère au côté d'ombre...

J'ai vraiment adoré ce livre, tout en introspection et en beauté artistique - que ce soit la photographie, la peinture ou la sculpture -. Même si Rena me déconcerte par son côté atypique, totalement indépendant, elle me touche et parvient à me convaincre. Toutes ses réflexions sont si justes ! Vraiment, Nancy Huston signe ici un chef-d'oeuvre humaniste, dans tous les sens du terme. J'en sors grandie et encore plus sensibilisée à la détresse humaine qui n'apparait pas nécessairement au grand jour...

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