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Critique de colimasson


Ivan Illich est surtout connu pour ses essais critiques sur la société technique qui laissent assez peu transparaître explicitement le catholicisme de leur auteur. « Libérer l'avenir » constitue une exception puisque cet ouvrage permet de prendre connaissance des réflexions que développa Ivan Illich dans le cadre d'une mission à laquelle il participa en tant que prêtre et vice-recteur de l'université catholique de Porto Rico dont l'objectif était de former des prêtres de culture latino-américaine.


Ivan Illich se pose la question de la légitimité du pouvoir que s'accorde celui qui pense bien faire en oeuvrant pour modeler la culture d'un sujet (ici latino-américain) selon les valeurs d'une culture considérée comme supérieure (américano-européenne ou OTANisée). Il aperçoit dès ses premières heures la constitution d'un « Empire du Bien », soit des bonnes intentions qui dissimulent en réalité la recherche d'une fonctionnalité qui, par l'élimination de toute figure de la dissonance, de l'inconnu, de l'imprévisible – soit de la mort – fait de l'homme une machine comme les autres. « Les Américains du Nord se sentent irrésistiblement poussés à faire le bien. Trait de caractère inné puisqu'ils sont les seuls à sembler croire qu'il leur faut constamment choisir quelqu'un avec qui partager leurs avantages. Et ils sont persuadés d'être capables de faire ce choix. Cette conviction les conduit au besoin jusqu'à bombarder certains peuples pour qu'ils acceptent leurs cadeaux. » le lien de ce constat à la critique de la société technique est évident.


Le processus d'asservissement à la bonne pensée se grime de légitimité en se diffusant à travers des institutions. Ivan Illich critiquera ainsi dans la même foulée le système scolaire et l'Église telle qu'elle est rencontrée au 20e siècle, comme instrument mis au service d'ambitions séculaires. Bien que ces institutions prétendent fournir des services à ceux qui y recourent, elles installent surtout la dépendance, la perte d'autonomie voire l'impuissance. Elles se font le vecteur d'idéologies qui ne correspondent bien souvent pas à la réalité immédiate des personnes à qui elles s'adressent mais elles finissent toutefois par créer à la longue des besoins, imaginaires quant à leur objet, mais réels quant au manque qu'ils exacerbent. Par ailleurs, par l'unilatéralité de l'échange que ces institutions mettent en place, elles finissent par rendre leurs « usagers » complètement débiles, asservis à un discours, incapables d'imaginer qu'il pourrait être possible de faire autrement que de fonctionner dans le cadre des possibilités reconnues par l'autorité. Enfin, les institutions créent de nouvelles catégories artificielles entre les sujets et servent la justification de toutes les formes de dominations sociales et d'inégalités économiques. L'école et l'Église moderne, soient l'inverse de l'étonnement et la destruction des projets dont elles se revendiquent (la connaissance, l'harmonie).


La libération de l'avenir telle qu'envisagée dans cet essai concerne donc la libération des chaînes des institutions, des administrations et des gouvernements qui, à la recherche de l'efficacité, conçoivent des programmes qui ignorent tout du génie propre à l'imprévisibilité humaine.
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