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Critique de Cricri08


Merci à Masse Critique de m'avoir fait découvrir ce livre, une source inépuisable de réflexion sur l'Amérique d'aujourd'hui ! Dense, riche et mettant en perspective beaucoup de faits et de concepts, ce livre est indispensable si on veut avoir une idée juste des Américains.
L'auteur, professeur d'histoire à l'université de Princeton et spécialiste de l'histoire du Sud des Etats-Unis, souligne dans l'introduction qu'elle aurait pu intituler ce livre « Les Blancs d'Amérique : comment, de l'Antiquité à nos jours, s'est construite cette notion ».
L'antiquité où les premières divisions entre « races » furent établies. le caractère dépendait alors du lieu de vie ; un endroit connaissant plusieurs saisons très marquées engendrait des peuples plus sauvages et plus impulsifs.
Plus tard, avec César et les Romains, la politique et la guerre définissent les identités nationales. Les Gaulois, comme les Indiens Pontiac, Sitting Bull et Geronimo plus tard, sont peut-être pleins de vaillance mais sont condamnés à être vaincus.
Les Germains commencent à cette époque à être glorifiés : refusant la civilisation, gardant un caractère barbare, ces hommes conservent leur virilité et leur esprit guerrier, contrairement aux Romains. En effet leur société vivant en paix, les hommes feraient preuve de faiblesse et de décadence. Ils seraient plus efféminés.
Cet esprit de liberté inhérent aux blancs est mis à mal par l'histoire et les périodes, nombreuses, de traite des blancs, par les Vikings, les italiens, les ottomans … jusqu'à la déportation des enfants sans foyer ou des serviteurs sous contrat par les britanniques vers leurs colonies au XXVIIème siècle, puis des criminels vers l'Australie jusqu'au XIXème.
Ces esclaves servirent de premiers modèles à l'idéal de beauté : en effet les odalisques au XIXème siècle étaient créées grâce à des esclaves géorgiennes, caucasiennes ou circassiennes.
Mais cette beauté ne resta pas uniquement esthétique. Elle fut élevée au rang de science avec tout d'abord l'étude de copies de statues grecques, qui allaient devenir le modèle suprême de beauté. En laissant de côté un détail : les copies étaient italiennes, faites en marbre blanc … mais pas les originales grecques, qui étaient de couleur sombre.
A la beauté grecque s'ajouta la supériorité intellectuelle soulignée par Goethe, même s'il n'a jamais mis les pieds en Grèce.
Les scientifiques se mirent à collectionner les crânes et à les mesurer : l'Européen était proche du dieu grec, les Noirs proches des orang-outan.
Quant aux premiers américains, ils sont des descendants des Européens. Uniquement. Les Indiens et les Noirs sont oubliés dans cette première définition de l'Américain et les théoriciens de l'époque (notamment Crèvecoeur ou de Tocqueville) rejettent l'esclavage non pas comme quelque chose de néfaste pour les Noirs mais comme un mal affreux pour les blancs du Sud qui dominent sans peine et donc sont incités à être plus oisifs et irascibles.
L'Américain est donc jusque là un descendant d'Européens du Nord protestants. Idée renforcée par l'arrivée d'Irlandais catholiques au milieu du XIXème siècle : un race inférieure incapable de progresser pour Ralph Waldo Emerson, qui glorifiait l'héritage teutonique des américains et son caractère authentique, libre, sans mélange, viril, fort et grand … (remarque perso : tout ce qu'il n'était pas … mais ce ne fut pas le dernier à parler de critères de grandeur physique et morale qui ne correspondaient pas à la réalité !)
A la fin du XIXème, avec l'arrivée massive d'immigrants d'Europe de l'Est et du Sud et de Juifs de Russie, un élargissement du concept d'Américain fut nécessaire : oui aux Européens du Nord, en intégrant les Irlandais, mais non à ces nouvelles populations « fétides et stagnantes en Europe, ignorantes et manipulables ».
Plusieurs problèmes se posent en cette fin de siècle : tout d'abord ces nouveaux immigrants, possédants des défauts innés et permanents, idée diffusée par un magazine connaissant un très grand succès à l'époque le Saturday Evening Post, mais réfutés par d'autres, notamment Franz Boas, qui soutenait l'adaptabilité et l'évolution possible des immigrants au contact de l'environnement américain. D'où des lois imposant des quotas d'immigrants en fonction de leur pays d'origine.
Ensuite certains blancs, pourtant descendants d'européens du nord, n'entraient pas dans les cases ! Il s'agissait de vagabonds, de chasseurs, de fermiers, vivant dans la pauvreté. Mais les scientifiques trouvèrent une explication : ils étaient des descendants des serviteurs sous contrat (=esclaves blancs) et donc leur hérédité était mauvaise … La pauvreté étant héréditaire, il fallait empêcher cette marée dégénérée de se reproduire. D'où des campagnes d'éducation puis de stérilisation.
Pendant la première guerre mondiale, ce sont les Juifs qui étaient tenus responsables de tout : le communisme, le socialisme, les grêves, le bolchévisme, la guerre, … Les Italiens (tels Sacco et Venzetti) servirent également de boucs émissaires. Mais comment justifier alors la colère des ouvriers qui demandaient des augmentations de salaires, à part par la présence et l'influence malsaine d'étrangers ?
Petit à petit et notamment grâce au mélange de populations engendré par la deuxième guerre mondiale (16 millions de personnes brassées dans l'armée américaine), le concept d'Américains s'élargit encore : aux Européens du Sud et de l'Est, Mexicains mais plus difficilement encore aux Noirs et aux Asiatiques.
Le GI Bill, destiné aux vétérans, joua un grand rôle : il subventionna l'accès à l'éducation, prêta de l'argent à taux faible pour encourager l'achat d'entreprise, de commerce ou de maison, et créa une allocation chômage. Les Noirs dans le Sud en étaient bien sûr exclus.
C'est ainsi que l'on vit le développement des banlieues blanches, uniformes et la disparation du financement fédéral des centres villes (là où les Noirs étaient contraints de vivre).
On aperçoit aujourd'hui une autre manière de voir les choses : la race n'a aucune valeur scientifique, les humains sont identiques à 99.9% et on parle maintenant dans le recensement de la population américaine de groupes ethniques.
Finalement les mariages interraciaux tant redoutés ont eu lieu, de nombreux enfants en sont nés et il n'y a pas eu de décadence et de dégénérescence des Américains !
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