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Critique de Pujol


Pujol
21 novembre 2020
C'est une expression que je n'ai jamais entendu dans ma ville mais qui existe. Elle a été forgée par les Impérial Asiatic Men, aussi connus sous le nom d'IAM. Elle signifie peu ou prou qu'on est face à un pharaonique bordel. Un total Khéops.

Et c'est dans ce mauvais jus antique que baigne le héros, Fabio Montale. Flic en bordure. Sur le fil. Entre deux eaux. A fréquenter le Milieu, il ne sait plus distinguer sa droite de sa gauche.

Tout lui échappe, lui file entre les doigts.

Son métier tout d'abord qu'il ne comprend plus et la politique du chiffre qui débute en ces années 90.

Puis sa ville qui s'antagonise et qui voit le Nord et le Sud, le pauvre et le riche s'éloigner toujours un peu plus jour après jour.

Ses amours n'en finissent pas de mourir en des soubresauts et des rebondissements douloureux. Son passé qui le blesse par intermittence, comme une lame furtive au creux des reins.

Chaque pas dans cette ville le renvoie à cet avant qu'il n'a pas su, pas pu retenir. Ses meilleurs amis ont avalé leurs bulletins de naissance brutalement. Manu et Ugo ont fini sur le pavé, avec des boutonnières en métal cousues à même la peau. Et lui reste là. Seul. Orphelin de l'amitié. Coupable. Sans avocat, omis d'office.

Puis autour de lui, ça continue à tomber. C'est la merde. Son présent se met aussi à lui échapper. La belle Leïla qui lui tendait les bras et qu'il ne voulait pas décevoir de son amour défectueux est retrouvée morte, violée, abattue comme un animal.

Ça déborde pour Montale. C'est le cadavre de trop à Saint-Pierre. Alors il remonte ses lignes, va pêcher au gros. Car tous ces assassinats murmurent des noms, des gros numéros dans le noir et racontent une histoire identique qu'il ne saisit pas encore.

L'intrigue, ce n'est pas ce qui m'a saisi dans ce roman.

C'est Montale. Son prisme. C'est lui le bijou. le livre de prix.

Il voit la ville et les gens d'une manière que j'ai adoré. C'est la voix de Marseille. Minérale, des phrases courtes, précises et efficaces. Violentes presque. Et puis d'un coup, derrière un virage, du beau, de la poésie, des envolées. Comme ça d'un coup, sans crier gare. C'est le Vallon des Auffes en bas des escaliers de la Corniche. C'est la calanque au milieu des roches bouillies.


Pas de panneau signalant le panorama ou le monument. Il faut mériter. Savoir errer. Se perdre. Ne pas abandonner. Ne pas juger trop vite.

Ce contraste c'est Marseille. le paradoxe sale. le ciel bleu immense au dessus d'une décharge sauvage. Une belle femme qui se noie dans un bar, dans un coin, dans un verre, dans un alcool. C'est la main qui se ferme en un poing qui casse des dents puis qui serre la main d'un ami. Chaleureusement. C'est rien. C'est tout. C'est banal et c'est merveilleux.

C'est Montale qui voit, qui vit, qui aime et a haï. Qui baise et boit, qui reprend de l'aïoli.

Il me plaît bien ce flic. Ça serait bien qu'il existe quelque part. Qu'il prenne son bateau depuis les Goudes pour se laver le coeur de la crasse marseillaise après sa journée de labeur. Et qu'il cite Louis Brauquier en mangeant des farcis.

Il livre une belle vison de cette ville, de ses gens. de sa gastronomie même. Je suis tenté de reproduire les recettes qu'il savoure. de goûter ces whisky tourbés.

Et surtout l'amour et l'amitié. Des bouées. Mais qui sont si loin au large qu'on en a les bras ankylosés et qu'on frôle se néguer. (se noyer)

Izzo c'est aussi cette faculté de mélanger dans la phrase même, dans l'encre aussi peut-être, le passé et le présent. Dans un paragraphe, on passe de l'un à l'autre sans transition brusque comme on écarte un rideau du revers de la main. C'est Montale et sa langue. Il est ce qu'il dit et ça le définit, l'influence, le maudit.

Il rumine constamment ses souvenirs, ses remords et ces derniers s'invitent constamment dans son discours. le t de présent est déjà le é de passé.

C'est la marque d'Izzo dans Montale. Ou l'inverse.

Il me tarde de lire les poèmes d'Izzo.

Isométries.
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