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Critique de ValentinMo


Alice voue un culte de tous les instants à ce corps qu'elle ne se lasse jamais d'admirer. Elle passe tout son temps à choyer son corps : épilations, crèmes, massages, rien n'est superflu quand il s'agit d'entretenir une silhouette qui fait rêver toute la gent masculine de Rome. Mais attention on ne touche pas, la jeune célibataire fait tout cela pour son futur prince charmant.

Elle semble heureuse malgré des relations compliquées avec sa famille. À l'exception de Tonino, son frère sourd-muet, elle entretient peu de contact avec ses parents : une mère actrice qui voyage aux quatre coins du monde et un père un peu marginal, retiré en Grèce avec une jeune croate. Un 15 août, son père s'annonce et lui assène un coup de massue en déclarant à sa fille « tu n'es pas Marylin Monroe, alors rappelle-toi, tu dois être gentille, très gentille avec les hommes ». Pour Alice, c'est la fin du monde. Sa belle assurance brisée, c'est l'angoisse qui prend sa place et ne se soulage que le temps d'un cornet glacé.

Une plaie s'est ouverte, un vide à remplir. Alice mange, mange, enfle, enfle. Au-delà de la boulimie, Alice avale avec voracité tout type de nourriture. Comment être gentille avec les hommes ? Elle va faire de son mieux et Alice va accueillir tous les hommes qui souhaitent faire honneur à sa réputation. Mais sa popularité ne fait qu'un temps et parallèlement, elle se transforme en saucisse à la demande de jumeaux, deux évadés d'asile psychiatrique

À travers ce court récit aux allures de fable, Sophie Jabès évoque tout en légèreté cette béance qu'est la quête de reconnaissance, ce vide impossible à combler qu'ouvre en nous l'indifférence, le mépris, le désintérêt de ceux à qui l'on a tout à prouver.

Sa narration prend le parti de l'amusement, mais c'est une véritable descente aux enfers qui nous est narrée. La destruction qu'Alice entreprend d'elle-même, tantôt lucide, tantôt compulsive, est à la mesure de la perfection qu'elle avait cru atteindre : une lente et consciencieuse mutilation, une perte des perceptions, l'abandon d'un corps qui ne fait plus partie d'elle.

« Alice, la saucisse » est le premier volet d'une trilogie complétée par « Caroline assassine » et « Clitomotrice » qui vise à dénoncer cette façon extrêmement réductrice de cataloguer les femmes et sur la naïveté de certaines d'entre elles qui s'y soumettent. Malgré un titre enfantin, le livre emprunte au genre érotique avec des pages qui oscillent entre sensualité et écoeurement tant l'accent est mis sur la surabondance de nourriture… jusque dans les jeux sexuels de l'héroïne.

En peu de pages (127p.), l'auteure aborde de nombreux sujets : famille éclatée, société de consommation, angoisse de ne pas séduire, solitude, cette propension à s'oublier en privilégiant l'autre et ne plus penser plus à ses désirs et sa dignité. Ce format court a l'avantage de ses défauts : le récit est rythmé mais survole bien des aspects du personnage principal.

Un premier roman réussi. Rapidement avalée, cette fable gargantuesque marque les esprits par son originalité. À travers un récit à la fois burlesque et mélancolique, l'auteure cherche à délivrer (trop ?) de nombreux messages. Attention à l'indigestion !
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