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Critique de Renod


Renod
15 novembre 2018
Le 17 mars 1951 vers dix heures, trois détonations sourdes et rapprochées retentissent dans un immeuble situé au 25 rue de la Croix-Nivert à Paris. Pauline Dubuisson, 24 ans, vient d'abattre son ancien amant au pistolet avant d'ouvrir le gaz pour mettre fin à ses jours. Les secours la sauvent in extremis de l'asphyxie. La police a à peine investi l'appartement que déjà un groupe de curieux s'agglutine devant les grilles de la résidence. Ce fait divers va - sans que l'on sache très bien pourquoi - fasciner l'opinion publique dès les premiers jours. Les médias vont plonger tête en avant dans le sensationnalisme ; les policiers et les magistrats vont mener une instruction exclusivement à charge. L'affaire tourne à la cabale. Pour que la sauce monte, il faut une bonne victime et un bon coupable. le disparu était jeune, beau, fils d'une famille aisée, futur médecin ; la méchante a contre elle son éducation, son comportement pendant la guerre, ses moeurs qui vont être jetées sur la place publique et réécrites sous un angle largement défavorable. Tout est analysé à charge, sans nuance. On ne retient des dépositions que les éléments qui l'enfoncent, on n'hésite pas à reformuler des propos pour les détourner de leur sens premier. Lors du procès, les magistrats humilient jusqu'à l'écoeurement.

Philippe Jaenada va analyser les rouages de cette affaire, éclairer les erreurs, les interprétations et les insuffisances du dossier d'instruction. Dans les affaires criminelles, les passions mystifient l'esprit, le procès se transforme en curée où tous souhaitent la tête de la hyène. Jaenada démontre que ce qui accable Pauline Dubuisson aux yeux de l'opinion, c'est son émancipation dans une société patriarcale. Vous connaissez la règle : l'homme qui multiplie les conquêtes est un coq, la femme, elle, est une vulgaire salope. Par exemple, si l'on ne tiendra pas rigueur à son père d'avoir fait des affaires avec l'occupant, il ne lui sera jamais pardonné d'avoir eu des liaisons avec des soldats allemands.

Philippe Jaenada prend fait et cause pour l'accusée au risque de manquer parfois de lucidité. Derrière ses lignes, on devine son « Pauline Dubuisson, c'est moi ». Je me suis parfois ennuyé à la lecture de certaines démonstrations (Pauline a-t-elle découché la nuit du 7 mars ?) et j'ai donc bien accueilli les anecdotes personnelles et les digressions qui émaillent le texte. J'ai appris beaucoup de choses sur les années de guerre de la ville de Dunkerque, les conditions de détention des femmes et les grandes affaires criminelles de l'après-guerre. « La petite femelle » est un manifeste passionné qui cherche à rétablir l'honneur d'une femme au destin tragique.
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