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Critique de YvesParis


L'Inde reste mal connue en Occident, où on la réduit trop souvent à quelques stéréotypes. Hier, ceux des tigres, des maharajas et d'une immense pauvreté. Aujourd'hui, ceux d'une économie en plein décollage et de « la plus grande démocratie du monde ».

Christophe Jaffrelot, incontournable spécialiste de l'Inde, nous invite à porter sur l'autre grande puissance émergente un regard plus nuancé. Son impressionnante croissance économique (+ 6.8 % en 2011) n'est pas venue à bout d'une misère persistante. Cette « croissance sans développement » a bénéficié aux riches et, plus encore, aux ultra-riches (l'Inde est, devant le Japon et la Chine, le pays asiatique comptant désormais le plus grand nombre de milliardaires en dollars). Mais plus d'un quart de la population indienne vit encore en-dessous du seuil de pauvreté. La trickle down policy, cette théorie du développement par capillarité, suivant laquelle la prospérité était appelée à se répandre des zones les plus riches aux plus pauvres, a échoué.

Les inégalités de classes se superposent, sans toujours se confondre, à des inégalités de castes, de tribus et de religions. Inégalités de castes : les Dalits, ou Intouchables, ont certes bénéficié d'une politique de discrimination positive pour investir massivement la fonction publique, mais restent stigmatisés dans le secteur privé. Inégalités de tribus : les Adivasis, ou Aborigènes, vivent en marge de la société indienne (comme en témoigne, par exemple, l'un des personnages du drolatique roman de Vikas Swarup Six suspects). Inégalité de religions : les Musulmans (14 % de la population) connaissent un retard éducatif, une ghettoïsation spatiale et une relégation professionnelle dans le secteur informel.

Ces écarts socio-économiques se doublent d'une fracture géographique. Une ligne de partage, qui court de Simla à Hyderabad, sépare « l'Inde qui brille » — allusion au slogan électoral du BJP— de « l'autre Inde », le retour du parti du Congrès au pouvoir depuis 2004 marquant la revanche de la seconde sur la première. Ces écarts constituent, selon C. Jaffrelot, une « bombe à retardement ». Il en veut pour preuve la résurgence du naxalisme, un mouvement révolutionnaire maoïste apparu à la fin des années 1960 au Bengale occidental, durement réprimé par l'armée indienne en 1971-1972, qui fait un comeback remarqué dans les régions défavorisées de l'est du pays (Chhattisgarh, Andhra Pradesh, Jharkhand) où les populations locales s'opposent aux exploitations minières des grandes entreprises étrangères.

La première visite d'État de François Hollande en Asie a eu lieu en février dernier en Inde — et non en Chine ou au Japon. C'est le signe d'une volonté déterminée de rattraper le retard de la France dans un pays aux perspectives économiques alléchantes. La lecture de ce petit ouvrage y concourra.
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