AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de pchion


J'avoue avoir été désarçonné en commençant la lecture de ce livre. Lorsque l'on aborde une autobiographie, on s'attend à un certain style de récit. En parcourant les premiers chapitres de Lab Girl on s'aperçoit très vite que le cheminement va être assez peu conforme aux canons du genre. J'ai été surpris aussi parce que lorsqu'il s'agit de la vie d'une scientifique éminente, on s'attend à un certain style de parcours. J'ai très vite compris aussi que cela n'allait pas être le cas. Biographie, certes, mais construite en interférant avec un autre récit, celui de la vie des plantes. Vie quotidienne et travaux de recherche en pleine osmose !
Marchant sur les traces de son père, dont la vie semble avoir eu pour cadre principal un laboratoire de recherche, Hope Jahren s'est jetée avec passion dans les études, ainsi que dans le travail qu'elle a dû accomplir pour les financer. Cela n'a pas été facile ; ne pas être issu d'une famille fortunée, ne pas bénéficier d'un important réseau de relations, être une femme de surcroît, autant de handicaps à franchir pour grimper l'échelle des responsabilités dans la recherche au pays de l'oncle Sam (et ailleurs !).
J'ai retrouvé un certain confort de lecture à partir du moment où j'ai compris quelle était la démarche choisie par l'auteure et j'ai été de plus en plus captivé, au fil des pages. Les faits que Hope Jahren, paléobiologiste, nous présentent concernant la vie des plantes m'ont vraiment passionné et ont complété fort heureusement le récit de l'ingénieur forestier Peter Wohlleben, « la vie secrète des arbres », que j'ai lu avec passion il y a quelques temps de cela. le parallèle entre ces deux ouvrages s'arrête là !
La dernière page tournée, il m'a fallu un certain temps de réflexion avant de tirer un bilan, somme toute largement positif, de cette lecture un peu déroutante. Ce qui m'a laissé une légère impression de malaise à la fin du livre, c'est que je me suis aperçu que je n'éprouvai qu'un attachement modéré pour les deux personnages centraux du récit. Leur vie est sans aucun doute passionnante et pleine de péripéties mais ne suscite guère d'empathie. Pourquoi ? J'ai du mal à le définir mais je pense que la relation entre Hope et Bill, cette amitié exemplaire que l'éditeur met en exergue en quatrième de couverture, je l'ai trouvée drôlement déséquilibrée. Par instant le comportement de Bill m'a fait penser à une forme de servilité, une relation maître-serviteur plus qu'à une amitié telle que je la conçois. L'arrivée de l'amoureux tant espéré a pondéré cette impression de malaise, en redonnant à l'héroïne un côté un peu plus humain. Pour ma part, je dois dire quand même que c'est plus le récit documentaire concernant les plantes qui m'a accroché que la partie humaine de l'histoire. Ce point de vue est cependant très personnel, et je vous invite à découvrir ce livre ne serait-ce que pour sa singularité. Hope Jahren est un personnage hors de commun.
Une dernière précision : j'ai reçu cet ouvrage après avoir été tiré au sort pour « masse critique » et je remercie Babelio et l'éditeur Quanto pour cette découverte enrichissante.

Deuxième point de vue, celui de ma compagne...
Babelio a offert à mon mari le livre de Hope Jahren, « Lab Girl », que je me suis empressée de lire.
Non, je n’ai pas l’intention de graver le nom de Bill sur des arbres, malgré l’insistance de l’auteur.
La souffrance d’un tiers le plus souvent réveille l’empathie mais ce n’est pas toujours le cas : par exemple quand la personne en souffrance est agressive, ou mutique, quand son comportement est en quelque sorte « répulsif ». Il repousse, non pas comme une chose dégoûtante, mais parce que les atomes crochus ne peuvent pas se mettre en place. L’enfermement, le repli d’une personne sur sa pathologie l’isole du monde réel.
J’ai vécu tout le livre « Lab Girl » comme un cri de souffrance. Celle-ci est parfois explicite, déjà dans la dédicace : « Tout ce que j’écris est dédié à ma mère ». Cette mère, Hope Jahren la cherche vainement autour d’elle, hésitant à faire endosser ce rôle à la gynécologue, ou à d’autres personnes qui ont traversé son existence.
La souffrance est plus ou moins explicite ici ou là, « La crise maniaque vous montre l’autre côté de la mort », jusqu’au moment où Hope, enceinte, se trouve privée des médicaments qui lui sont indispensables. Cette fois, c’est évident, les diagnostics sont posés : elle est bipolaire, maniaco-dépressive — j’ignore si ce sont deux mots sur la même chose, ou si elle souffre de plusieurs pathologies.
Sa grossesse est terrifiante, quand elle décrit l’intensité de sa dépression, agravée non seulement par l’absence de médicaments, mais encore par l’interdiction qui lui est faite de travailler, de retourner au labo qui pour elle « est comme une église (…) un refuge et un asile » (p 34).
Au sujet de la gynécologue : « J’en ai plus qu’assez de cette plaie qui ne se referme pas, de la façon dont mon cœur d’enfant confond toute marque de gentillesse de la part d’une femme avec un fil d’Ariane qui mènerait à l’amour bienveillant d’une mère ou l’approbation affectueuse d’une grand-mère. Je suis fatiguée de traîner cette douleur sourde d’orpheline, car si elle ne me surprend plus, elle m’apporte encore et toujours son lot de souffrances. » (p 310)
Cette souffrance, elle la considère comme un héritage : « J’imagine que mes ancêtres sont si bien parvenus à cacher leur folie pendant tant de générations que j’étais moi-même génétiquement programmée pour faire de même. » (p 311)
Or, la naissance de son enfant va sans doute faire basculer Hope Jarhen vers plus de normalité, ou de santé mentale. Même si l’amour qu’elle exprime est lourd de cet héritage : « Chaque baiser que je donne à mon enfant répare celui que j’aurais tant voulu recevoir — et c’est bien la seule chose capable d’accomplir cela. »
Voilà pour le côté sombre de cette femme lumineuse.
Voilà selon moi ce qui a dérangé mon mari aussi bien que moi-même dans notre lecture.
Je ne suis pas attirée par cette personne ni par son étrange amitié avec Bill, ami, mais peut-être aussi victime. Pourquoi le labo s’appelle-t-il Jahren, et non pas, par exemple, Jahren et Bill ?
Hope Jahren a fui le cursus littéraire qui pour elle consiste à s’asseoir et à discuter. Elle préfère le cursus scientifique pour « faire des choses ». Elle s’est lancée dans l’aventure de la façon la plus absolue, y investissant sa vie, ses nuits, ses journées, ses pensées… « Je sais que je ne cesserai jamais de construire et d’en vouloir plus. » (p 32) Elle ne fait rien à moitié.
Elle a une enfance riche et heureuse malgré le manque de marques d’affection. Elle insiste dès le début sur les relations mutiques… Son père ne lui adresse pas la parole, sa mère ne lui donne pas ce quelque chose d’indéfini qui lui manque. A cinq ans elle découvre qu’elle est « moins qu’un garçon », les héros de la famille st masculins. Elle joue comme une fille, mais le soir « tombe le masque » lorsqu’elle accompagne son père au labo.
Le labo devient très vite sa passion exclusive et obsessionnelle.
Cette vie d’ascèse qu’elle mène, ce n’est pas un renoncement à quoi que ce soit, elle ne cherche rien d’autre.
Même si, comme le lui dit un gardin de nuit : « Vous aurez beau aimer votre travail par-dessus tout, il ne vous le rendra jamais. »
Et voilà que Hope Jahren nous fait partager sa passion, en particulier pour les arbres. Le livre raconte en parallèle son existence et celle des arbres. Elle ne cesse de nous surprendre : « Rester nu et sans bouger à l’extérieur par un temps glacial pendant trois mois équivaut à une condamnation à mort pour la plupart des êtres vivants, sauf pour les nombreuses espèces d’arbres qui le font depuis au moins cent millions d’années. » (p 271) Elle décrit ensuite le lent processus appelé « endurcissement » qui permet à l’arbre de supporter l’hiver, et elle évoque la surfusion, ce phénomène spectaculaire qui permet à de l’eau de descendre jusqu’à -40°C sans geler !
Il faut lire ce livre magnifique, même s’il dérange. Curieusement, je lisais en même temps l’ouvrage d’un Amérindien qui fut victime de sévices variés lorsque, enfant, il a été mis en pension de force, à l’époque où l’on voulait « tuer le Sauvage » dans chaque petit Indien.
Cet homme, d’une immense sagesse, génère de la paix, de la sérénité.
L’agitation de l’étoile filante Hope Jahren et le calme de l’Amérindien sont pour moi riches d’enseignement.

Commenter  J’apprécie          101



Ont apprécié cette critique (8)voir plus




{* *}