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Critique de Clelie22


Indépendante. Voilà ce qui semble le mieux définir Isabel Archer lorsqu'elle apparaît au début de ce roman. Amenée en Angleterre par sa tante, la jeune américaine, intelligente, curieuse et “indépendante” ne tarde pas à faire la conquête de ceux qui la côtoient. Son oncle, son cousin Ralph, le brillant Lord Warburton viennent s'ajouter à ses conquêtes d'outre-Atlantique. Quoique peu fortunée, la jeune fille ne va pas manquer de prétendants de premier choix. Pourtant, elle va tous les refuser, trop désireuse de voir le monde, de vivre ses expériences en toute liberté pour s'enfermer dans un mariage. La jolie fortune que lui lègue son oncle va lui permettre de prendre son envol. Mais aussi faire d'elle une cible pour les “coureurs de dot”. Se laissera-t-elle séduire ?

N'ayant jamais lu Henry James et seulement appatée par un résumé aussi succinct que celui que je viens de vous faire, j'ai attaqué ce roman sans vraiment savoir à quoi m'attendre. En fan de Jane Austen et d'Elizabeth Gaskell, je ne pouvais m'empêcher de m'attendre à une histoire plus sentimentale et légère. Mais le rayon d'Henry James, c'est plus l'étude psychologique que le happy end. Dans ce roman, il nous peint donc avec minutie le portrait d'une jeune fille pleine d'aspirations qui n'en est qu'au début de sa vie. Et qui va se crasher lentement mais sûrement dans le sordide et l'amer d'une existence désillusionnée. Ce portrait au singulier qui donne son titre au roman pourrait être mis au pluriel car, autour d'Isabel gravitent d'autres femmes plus ou moins “indépendantes” ou “indépendantes” de diverses manières. le moins qu'on puisse dire, c'est que cela ne leur réussit guère plus qu'à Isabel. Faut-il y voir un plaidoyer subtil sur les limites imposées aux femmes de son époque ou plutôt une mise en garde contre les velléités d'indépendance de ces dames ? Je ne connais pas assez l'oeuvre et la personnalité d'Henry James pour trancher cette question. En tous cas, la richesse de propos, de style, de mise en scène doit faire de “Portrait de femme” un roman passionnant à étudier d'un point de vue littéraire. Par contre, du point de vue du divertissement, si vous êtes comme moi, vous risquez de rester sur votre faim. Et sur votre fin. Car la fin, ouverte, m'a beaucoup frustrée après un aussi long roman pendant lequel il ne se passe finalement pas grand'chose. Pendant toute ma lecture, je m'attendais à ce qu'Isabel se débarrasse (ou que la mort la débarrasse) de son odieux mari et qu'elle connaisse enfin le bonheur auprès d'un autre qui vaudrait mieux que lui. Mais on est chez Henry James, pas chez Harlequin…

La lecture est plutôt ardue. Henry James a un très beau style qui m'a surtout séduite par la hardiesse de ses comparaisons. Par contre, il a une tendance à la digression en plein début de scène qui peut être assez déroutant. Ce que j'ai trouvé aussi assez déstabilisant, c'est qu'il passe carrément sous silence des éléments de l'intrigue qui semblent pourtant particulièrement essentiels. Ainsi, il y a un trou béant entre la première fois où celui qui deviendra son mari avoue ses “sentiments” à Isabel et sa décision de l'épouser. Comment elle en est venue à changer d'opinion ? C'est plutôt flou.
Je l'ai commencé en même temps que Trop intelligents pour être heureux, un livre sur les adultes surdoués et la lecture des deux en parallèle formait une sorte d'écho bizarre. Ce roman est-il l'histoire d'une jeune femme surdouée victime d'un pervers narcissique ? En tous cas, c'est là qu'on voit qu'Henry James avait tout compris sur la complexité de la psychologie humaine, bien avant que cette discipline ne se développe comme elle l'est aujourd'hui.

En résumé : un roman magnifique pour sa construction, pour la profondeur de son propos et pour la beauté de son style mais qu'il ne faut pas lire pour se “divertir”. Je ne dis pas seulement cela pour le nombre de pages mais : “c'est du lourd” !

Challenge solidaire "Des classiques contre l'illettrisme" 2019
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