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Critique de bgbg


Portrait de femme, par Henry James. Malgré ses presque 700 pages, c'est à chaque fois un enchantement de se plonger dans sa lecture et un déchirement de devoir s'en séparer. Bien sûr, il faut déjà avoir eu du plaisir à lire cet auteur si singulier, apprécier son écriture parfois alambiquée – qu'il faut parfois relire deux fois pour en saisir tout le sens –, mais aussi exquise dans ses couleurs, sa profondeur, ses nuances, ses subtilités, ainsi que dans la portée générale de certains passages.

L'histoire est le parcours d'une jeune américaine, Isabel, que sa tante amène avec elle en Angleterre où elle réside. Isabelle est lumineuse, tout l'intéresse, elle voudrait tout connaître, voyager partout, et surtout profiter pleinement de sa liberté. Elle séduit tout le monde, et doit refuser quelques demandes en mariage, parfois dans la douleur, car elle est sensible à certains de ses prétendants, et plaire fait partie de son registre relationnel. Elle est toutefois, nous semble-t-il, séduisante, bien plus que séductrice, naturelle, droite et sans sophistication. Grâce à un héritage, elle ajoute la richesse à ses talents. Après avoir roulé sa bosse une année, elle se pose en Italie, et épouse Gilbert Osmond, un amateur d'art et un collectionneur, un dilettante, que lui présente une amie, Madame Merle. Isabel déçoit un peu ses proches, car elle semble délaisser cette liberté qu'elle affectionnait tant et à laquelle elle finissait par s'identifier.

On retrouve l'héroïne après trois ans de ménage, et l'on devine que son couple a échoué, qu'il est dysharmonieux, et qu'Isabelle est malheureuse. Mais si elle tient tête à son mari, elle reste attachée à son devoir d'épouse. Même quand elle apprend la machination dont elle a été l'objet, et la nature profonde de ce couple infernal qu'ont formé Mr Osmond et Mme Merle. Et même quand elle se retrouve libre de ses mouvements, après avoir quitté Rome et son mari, pour aller retrouver son cousin mourant en Angleterre.

Isabelle a mûri, ses valeurs ont évolué. On l'a aimée légère et libre, peut-on l'estimer encore quand elle accepte ses chaînes ? Oui, si on comprend que pour elle, marquée par le milieu puritain anglo-américain de la fin du XIXe siècle, le mariage est un engagement sacré. Mais peut-être aussi que la liberté est pour elle, comme pour Henry James, une notion avant tout théorique et, comme réalité, une source d'angoisse et de doute. Peut-être enfin que l'amour, la passion sont porteurs de funeste puissance, de destruction morbide. Quand à la chair, elle est curieusement absente.

Non-dits, suggestion, subtilité sont les maitre-mots de James, description des états psychologiques, maîtrise des dialogues avec une virtuosité saisissante dans les réparties, maniement du secret et de l'intrigue, sont ses outils. Tout cela est traité magistralement, en sorte que le lecteur est respecté quand il veut comprendre ou qu'il est sensible à la profondeur du texte, des situations, des dialogues, des personnages.

A propos de personnages, il y en a deux, les principaux, dont le portrait au long des pages est fascinant de justesse, de clarté et d'authenticité. Celui d'Isabel, jeune femme moderne, se prévalent d'une liberté de pensée et d'action, imaginative, curieuse, ouverte et généreuse, honnête. On découvrira qu'elle est aussi fidèle, vertueuse, courageuse, mais que dans une lente maturation de sa personnalité, elle troque peu à peu son aspiration à la liberté contre un sens un peu rigide des responsabilités, et qui n'est pas loin d'une soumission à un certain ordre établi. L'autre personnage est son mari, Gilbert Osmond, esthète solitaire, dont on perçoit vite qu'il est cynique, méprisant, un brin pervers et manipulateur, et qui deviendra odieux quand Isabel lui résistera. Madame Merle, le cousin Ralph, la journaliste Henrietta sont aussi l'objet de très beaux portraits.

Un certain nombre de thèmes traversent ce roman où morale, exploration existentielle, psychologie se mêlent : ce sont l'argent, l'adoration et la détestation, la générosité et la manigance, les notions politiques de conservatisme et de radicalité, la passion et la souffrance, l'amitié et la trahison, etc.

Un livre assez léger encore que dense, mais finalement assez sombre,
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