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Critique de 5Arabella


Il s'agit du deuxième roman de Drago Jančar, publié en 1978 et traduit dans la décennie qui a suivi dans de nombreux pays européens, mais pas en France. C'est le succès relatif de ses derniers romans, qui a permis cette sortie, une quarantaine d'année après la première publication du livre. Il vaut mieux en être conscient lors de la lecture ; c'est une des premières publications d'un jeune écrivain, dans un contexte politique d'avant les bouleversements politiques des années 80, dans la Yougoslavie d'avant l'éclatement, et toujours sous l'emprise de Tito. Il n'est donc pas possible à Drago Jančar d'évoquer l'histoire du XXe dans son pays, comme il le ferra dans ses derniers romans.

Nous sommes à une époque non clairement définie, sans doute à la fin du XVIe siècle, mais aucune date n'est donnée. Luther a déjà prêchée sa doctrine, il a des fidèles. L'inquisition sévit, les sorcières sont pourchassées. Nous sommes quelque part, sans doute en Slovénie. Un homme, Johannes Ott voyage. Son cheval est mort, un cordon sanitaire semble établi qui risque de l'empêcher d'aller plus loin. Il s'installe dans une maison d'un village. Mais il est hors cadre, en dehors de la communauté. Et il finit par être signalé comme sorcier, incarcéré par l'Inquisition qui le condamne. Une mystérieuse confrérie le fait évader, et il se retrouve négociant sur les routes. Mais des dangereuses liaisons le mettent de nouveau en fuite. Après avoir été vagabond, il se retrouve galérien. Lorsqu'il finit par s'échapper, c'est pour se retrouver en pleine épidémie meurtrière, de nouveau dans les lieux où son voyage débutait dans le livre.

Très métaphorique et symbolique, le livre semble viser à traduire le tragique de la condition humaine, entre violence du pouvoir politique, l'impuissance de l'individu, l'instinct du troupeau destructeur et incapable de faire changer les choses. L'impossible liberté, dans un univers où elle n'a pas de sens, dans lequel la nature semble aussi enfermante et angoissante que le cachot. Johannes Ott est une idée plus qu'un individu : il ne semble pas avoir de passé, ou tout au moins on ne ne sait rien de lui : quel genre de famille, d'enfance, de liens a-t-il pu connaître avant de s'engager dans cette fuite permanente, qui va de mal en pis. Il peut être tout le monde, mais au final il n'est personne. C'est un peu la limite du livre, ce personnage abstrait, ces situations qui sont des modèles plus que des exemples. La noirceur est absolue : aucune lueur d'espoir, de possibilité de desserrer la nasse, de trouver un havre.

Très bien écrit, décrivant un univers infernal et la faillite des hommes, un peu à la manière d'un tableau de Jérôme Bosch, le livre d'une grande densité, n'est pas forcément à conseiller à tout le monde, tant sa noirceur peut déranger, et son côté de parabole peut mettre à distance.
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