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Critique de Pancrace


Moi aussi, je dois « aller dans un centre commercial pour m'acheter une couverture légère, douillette, oui, il me la faut cette couverture, mes pieds sont glacés lorsque je lis toutes ces choses sur mon canapé. Et peut être aussi un pull. J'ai étrangement froid quand je fais toutes ces lectures… »

Une si petite extermination.
Une si dévastatrice commotion pour Ania (Anna Janko) après le calvaire de Renia, sa mère pour qui la vie a marqué le pas à ses 9 ans.
Sinistres et sanglants « pas de l'oie » martelés dans les basses-cours des fermes polonaises du village de Sochy en 1942.
Tant de souffrances, de supplices, de calvaires endurés par les polonais écrasés par l'Allemagne nazi d'un côté et la Russie de Staline de l'autre. C'est à peine concevable.

Pas de fioriture. Juste du vécu avec les mots appropriés. Juste les faits du mal qui rongent les têtes et les coeurs et qui enlèvent les enluminures aux belles phrases.
Un récit sans concession. Émouvant, touchant, glaçant.
Les formules tellement fortes aspirent votre réflexion, ainsi s'efface l'environnement où ne subsiste alors qu'un halo cotonneux autour de votre tête pleine d'horreur.

Ania écrit un livre d'archives pétri d'inhumanité à la rédaction en noir et blanc, comme à la télé dans les documentaires chiffonnés de cadavres et de décombres. La couleur revient par flash quand le présent d'Ania vient adoucir à peine ce récit vraiment sombre.

« …Puisque j'ai décidé d'enfiler les mots pour les faire passer par les sépultures de mes ancêtres, je le dois et je ne fais plus ma délicate…Il est important pour toi au moment où tu commences à oublier, mais aussi pour mes enfants au cas où ils me poseraient des questions. »

Ce livre est un exutoire, un passage obligé dans la reconstruction d'Ania pour s'éloigner de cette mère dont elle a été la mère, la soeur, si peu la fille.
Pour accepter sa condition, pour ne plus vivre dans ce passé dévastateur.
C'est un livre d'horreur à digérer pour avancer, intime, profond.
Pour endiguer la barbarie, pour essayer de comprendre, Ania nous entraîne dans une approche psychologique de la peur, de la mort. Ils parlent de « vide », de l'addiction de donner la mort…Plus que le franc-parler, le franc-écrit laisse pantois, démuni devant tant de haine.

Ce recueil est un cercueil universel. Ania nous rappelle que la machine à exterminer n'a épargné aucun pays, aucune ethnie. D'Hiroshima à l'Arménie, des cambodgiens aux hutus, en passant par la minuscule Sochy où la cruauté a figé à jamais la vie de Renia.
« Ainsi ton histoire, maman, s'est faufilée dans la doublure de ma vie depuis le tout début et je l'ai toujours ressentie comme un petit couteau piquant dans ma poche intérieure. »

Un livre qu'elle n'aurait jamais du avoir à écrire mais qui lui a été impossible de ne pas rédiger. « Dans un certain sens, les allemands sont les coauteurs de mon destin, ils ont donné une direction et une forme à ma vie en arrachant mes ancêtres à leur orbite. »

Parce qu'il faut que vous sachiez, impensable de passer à côté.
Une si petite extermination, une si forte détermination.

(Merci infiniment aux éditions « Noir sur Blanc » et à Babelio de cet envoi)
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