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Critique de jlvlivres



Se souvient-on encore de la séance de « L'Association Française pour l'Avancement des Sciences » du 1er Novembre 1907, au cours de laquelle Henri Poincaré, par ailleurs Membre de l'Académie des Sciences. Professeur d'astronomie mathématique et de mécanique céleste à la faculté des sciences de Paris, a donné sa conférence remarquable « Sur un invariant des polyèdres ». Avec pour exemple une sphère dont la température n'est pas uniforme. Maximale au centre, et diminuant à mesure qu'on s'en éloigne, pour se réduire à zéro à la surface de la sphère. Les polyèdres mobiles, isothermes à l'intérieur de la sphère, sont donc de plus en plus petits, mais leurs côtés ne peuvent jamais atteindre la sphère limite. La géométrie de ces polyèdres diffère de la nôtre, celle de l'étude des mouvements des solides invariables. On les distingue alors par des changements de position qui sont en réalité des « déplacements non euclidiens ». On est dans une géométrie non euclidienne, là où les parallèles se rejoignent à l'infini.
Mais, ce n'était pas de cette conférence dont je voulais parler, mais de celle qui la précédait, le même jour. Celle de Paul P. Achras, de Rennes intitulée « Sur les Moeurs des Polyèdres ». Malheureusement, le texte n'en n'est plus disponible. Par contre, on connait relativement bien le parcours de Paul Achras. Condisciple de Albert Jarry au Lycée de Rennes, maintenant baptisé au nom de Emile Zola, il élevait des polyèdres en cage en vue d'une thèse. « O mais c'est que, voyez-vous bien, je n'ai point sujet d'être mécontent de mes polyèdres, ils font des petits toutes les six semaines, c'est pire que des lapins. Et il est bien vrai de dire que les polyèdres réguliers sont les plus fidèles et les plus attachés à leur maître ; sauf que l'Icosaèdre s'est révolté ce matin et que j'ai été forcé, voyez-vous bien, de lui flanquer une gifle sur chacune de ses faces. Et comme ça c'était compris. Et mon traité, voyez-vous bien, sur les moeurs des polyèdres qui s'avance : n'y a plus que vingt-cinq volumes à faire ». Pour ce qui est des violences faites à l'icosaèdre, il convient de remonter à Platon. Ce solide présente 20 faces constituées de triangles équilatéraux isométriques, 12 sommets et 30 arêtes. Platon le faisait correspondre à l'eau. Plus tard, Alfred Jarry le tenait pour un poison, conséquence de cette analogie. En effet il est « si dissolvant et corrosif [...] qu'une goutte versée dans un liquide pur, l'absinthe par exemple, le trouble ». On comprend mieux les commentaires de Paul Achras.
On remonte donc à Alfred Jarry, dont il est évident qu'il soit me père spirituel de Paul Achras, et par là même du couple de Père et Mère Ubu. Une bien belle famille, tout droit venue de Pologne. Un peu comme le bon Stanislas Leszczynski est venu à Lunéville, non pas pour jouer au Scrabble avec son nom, mais offrir la main de sa fille Maria à notre roi Louis XV, qu'elle appelait monsieur Quinze dans l'intimité.
Donc, cette belle famille, unie et soudée dans l'épreuve, envisage d'emménager chez Paul Archas, malgré sa légère réticence. Ils lui proposent d'adopter la méthode du pal, qui sert à vérifier les fondements de toute velléité de résistance. Ceci malgré les révoltes de la conscience d'Ubu, qui finit par l'enfermer dans une valise pour qu'elle se taise. C'est une valise « toute couverte de toiles d'araignée. On voit bien qu'elle ne nous sert pas souvent ». Cependant, le gros du problème n'est point là. Mère Ubu s'est s'entichée de l'égyptien Memnon, avec lequel elle grimperait volontiers au sommet des pyramides. Il faut voyager tant que l'on est jeune. Et la Mère Ubu arpente les terres. « Notre vertueuse épouse, nous trompe indignement avec un Égyptien nommé Memnon, qui cumule les fonctions d'horloge à l'aurore, la nuit de vidangeur au tonneau, et le jour, de nous faire cocu ». Mais n'est-ce pas normal puisque « nous pensons que cocuage implique mariage, donc que le mariage sans cocuage n'est point valable ».
C'est à cet instant que se prononce la tirade inoubliable que tout collégien ou lycéen connait. « de par ma chandelle verte, il faut qu'une trappe soit ouverte ou fermée ». survient un intermède musical. « Père Ubu allume sa chandelle verte, flamme de l'hydrogène dans la vapeur de soufre, et qui, construite d'après le principe de l'Orgue philosophique, émet un son de flûte continu ».
Par la suite Père Ubu s'offre une nouvelle paternité « Nous croyons que nous sommes cocu […]. Nous sommes père d'un bel oiseau, cornegidouille ! Il nous paraît préhistorique, croisé vampire-archéoptéryx, ichthyornis, avec de nombreuses qualités des chéiroptères, léporides, rapaces, palmipèdes, pachydermes et porcins ! ». Voilà, du moins une énigme résolue sur l'Arbre de Vie. On sait où positionner l'archéoptéryx. Et de plus, il n'entre pas officiellement dans la galerie des polyèdres
Comme quoi « La pataphysique est une science que nous avons inventée et dont le besoin se faisait généralement sentir ».
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