AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Pavlik


Pavlik
21 septembre 2017
Maryse Jaspard est sociodémographe et a dirigé la première enquête d'envergure sur les violences conjugales en France (l'enquête Enveff), en 2000. Oui, il a fallu attendre l'an 2000 pour que le sujet des violences faites aux femmes commence à intéresser les sciences humaines...et que le politique cherche à mesurer l'ampleur du phénomène. En comparaison avec les pays anglo-saxons (USA, Canada) cela représente un décalage de presque 20 ans.

Le présent ouvrage est une sorte de condensé des données recueillies par l'enquête Enveff et de celles (nombreuses) qui ont suivi entre 2000 et 2008 (EVS, CVS, CSVF, CSF), dans une sorte de "course au rattrapage". C'est donc un livre qui est assez technique (mais pas compliqué pour autant) et qui pourra apparaître rébarbatif à certains, mais qui s'avère, à mon avis, indispensable aux étudiants et aux professionnels qui travaillent sur ces questions.

L'approche y est, on l'aura compris, statistique et ce livre est un outil excellent pour donner à voir le phénomène mais, en toute humilité, ne fait qu'esquisser des modèles explicatifs et mettre en lumière les enjeux. En particulier il met en avant des facteurs discriminants :

-l'âge : plus on est jeune, plus on a de chances d'être victime de violences.

-la mobilité conjugale : plus on change régulièrement de partenaire, plus on a de chance d'être victime de violences.

-l'écart important, en défaveur de son conjoint, de capital social, culturel, professionnel et symbolique est un facteur aggravant.

-plus les femmes sont éloignées de l'emploi, plus elles encourent de risques d'être victime.

-l'histoire personnelle : le fait d'avoir subi des violences (ou d'en avoir été témoin) dans l'enfance est un facteur aggravant.

-les femmes des catégories sociales très défavorisées et très favorisées sont plus victimes que les femmes des classes moyennes.

-l'orientation sexuelle : les lesbiennes sont beaucoup plus victimes que les hétérosexuelles (en ce qui concerne les violences sexuelles).

L'auteur évoque également les violences sexuelles et le harcèlement au travail et met en lumière des effets cumulatifs. Souvent, les femmes victimes de violences conjugales souffrent également de ces autres formes de violences.
Enfin, Maryse Jaspard évoque aussi la conception française, au niveau pénale, des violences sexuelles, qui entretient une forte distinction entre viol (crime) et agressions sexuelles (délit), alors que les anglo-saxons ne font pas une telle distinction, les peines encourues, en cas d'agression ou de viol, étant les mêmes.

En résumé, cet ouvrage me semble être incontournable, pour qui s'intéresse sérieusement à la question. Maryse Jaspard n'est pas une militante féministe "radicale", elle pense sincèrement que, bien que lente, l'évolution entre une organisation sociale marquée par la domination des hommes sur les femmes vers une société égalitaire est en marche. Néanmoins, si l'époque du MLF semble bien lointaine à présent, elle regrette que les perceptions du grand public (et de certains chercheurs) aillent trop dans le sens d'une "psychologisation" de l'approche du phénomène des violences conjugales, au détriment d'une approche sociologique (et donc politique), entraînant un glissement dichotomique du rapport dominant / dominé vers celui d'auteur de violence / victime de violence.


Commenter  J’apprécie          387



Ont apprécié cette critique (32)voir plus




{* *}