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Critique de Milllie


Yacine est un travailleur de l'ombre affecté aux "microtâches" ce stade ultime de la sous-traitance informatique : afin d'aider les IA et autres algorithmes il réalise de minuscules missions payées quelques centimes d'euros, transcrire une phrase d'une conversation, reconnaître un élément d'une image ou recopier une ligne de texte. Ludovic, fort de son diplôme d'ingénieur, a quant à lui a intégré par la grande porte Hemisphère l'entreprise qui a mis en place la plate forme permettant de gérer ces tâches pour tous les géants du web. Mais quand une journaliste décide d'écrire un essai choc sur le quotidien des travailleurs de l'ombre du web, la vie des 2 jeunes hommes va soudainement être bouleversée.

Je ne suis pas un robot promet "un récit saisissant dans les coulisses des algorithmes" mais malheureusement c'est très déçue que je termine ma lecture sans avoir appris grand chose. Les premières pages qui nous plongent dans le quotidien de Yacine, enchaîné à son ordinateur 10 heures par jour à cliquer comme un fou pour être le premier à décrocher les tâches les plus rémunératrices (50 centimes d'euros au lieu de 10 !), ne sortant quasiment plus de chez lui et devant rester concentré et travailler à toute allure s'il veut espérer gagner un revenu minimal (même pas le SMIC et bien sûr sans aucun contrat de travail ni protection sociale) sonnent assez justes et nous font découvrir de l'intérieur ce que signifie le travail de "micro tasker" souvent présenté comme la panacée pour des personnes voulant gagner un complément de revenu, choisir leurs horaires ou tout simplement incapables d'occuper un "vrai" travail. Malheureusement ce n'est que le tout début du roman puisque l'auteur a ensuite greffé une intrigue assez poussive avec cette journaliste ambitieuse cherchant le coup médiatique et voulant dénoncer ces pratiques abusives et l'histoire de Ludovic, cet ingénieur comme il en existe tant, déçu et dégoûté par son travail vide de sens.

Alors certes l'auteur doit bien connaître le milieu de l'informatique, des grandes entreprises et des plate formes qu'il décrit, puisque le quotidien des salariés d'Hemisphere semble assez réaliste, entre jalousies entre collègues, journées qui n'en finissent plus, petits chefs hargneux et éternelles réunions du lundi matin qui ne servent pas à grand chose, le tout saupoudré d'une touche de "on est tous potes, on est jeunes, on est fun" propres aux entreprises de la tech. Mais malheureusement c'est un peu court pour faire un roman, les chapitres se lisent sans déplaisir mais sans apporter grand chose non plus, sur le sujet de l'aliénation au travail ou du harcèlement par une hiérarchie nocive on a déjà beaucoup écrit et beaucoup mieux. La trame narrative est mince, très mince, et sert plus de prétexte à dérouler des scènes documentaires qu'à réellement passionner le lecteur. Enfin, hélas, l'auteur tombe dans les clichés les plus éculés : la chef de service qui parce qu'elle est une femme doit absolument être une vraie peau de vache et n'épargner personne pour prouver qu'elle a les capacités à progresser dans la hiérarchie, le directeur américain envoyé en France pour gérer la filiale et qui passe son temps à râler en franglais contre ces "f*** fainéants de français", beaucoup de personnages sont si prévisibles que cela ne fait qu'alourdir un peu plus le propos. Heureusement quelques pointes d'humour bien vu et d'ironie (un peu) vacharde se moquant gentiment du monde des grandes entreprises permettent de sourire un peu et la lecture reste globalement agréable.

J'ai finalement trouvé que Je ne suis pas un robot passait totalement à côté de son sujet : trop mollasson et sans grand intérêt narratif pour être un vrai roman, et n'apportant quasiment aucune information nouvelle sur ce qu'il semble dénoncer, le monde des micro-tâches et des travailleurs de l'ombre. Une simple recherche de l'histoire du "turc mécanique" sur Google ou n'importe quel article de journal décrivant les plates formes de micro-tâches vous en dira finalement bien plus sur ce phénomène déjà moult fois abordé. Dommage car un vrai documentaire fouillé et argumenté sur le sujet m'aurait sans doute passionnée, c'est finalement le livre écrit par Emilie, la journaliste de cette histoire, que j'aurais préféré lire !
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