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Critique de Arakasi


Autant le dire tout de suite : à la base l'affaire Dreyfus ne m'intéressait pas particulièrement. Comme tout un chacun – ou du moins comme tous ceux qui ont subi les joies de la scolarité française – je connaissais les grands traits de l'affaire et même quelques protagonistes pour avoir vu d'un oeil distrait l'adaptation télévisée de Yves Boisset. J'ai débuté « Les preuves » car je voulais lire du Jean Jaurès, point barre (on m'avait dit qu'il écrivait très bien, le bougre), et, étant trop flemmarde pour me lancer dans une des colossales oeuvres littéraires dont le bonhomme a le secret, j'ai préféré me rabattre sur ce petit recueil d'articles qui promettait d'être plus facile à digérer.

Replaçons les choses dans leur contexte. Nous sommes en 1898 : le capitaine Alfred Dreyfus, officier juif de l'armée française, a été accusé de trahison et condamné à l'exil sur l'Île du Diable à la suite d'un procès ahurissant d'imbécilité et de mauvaise foi. Malgré le tollé d'antisémitisme que soulève son procès, de nombreuses personnes professent farouchement son innocence auprès de la presse. L'un de ses défenseurs les plus acharnés est Jean Jaurès. Et quand on s'appelle Jean Jaurès et que l'on a des opinions, on ne les murmure pas frileusement à l'oreille de son voisin : on les hurle haut et fort pour que toute la France puisse en profiter. Pendant tout l'été 1898, Jaurès va donc publier une suite d'articles ayant deux objectifs : prouver que les preuves de la culpabilité de Dreyfus sont inexistantes – ou d'une débilité si profonde qu'elles valent à peine que l'on s'y arrête, si ce n'est pour les mettre en pièces – et que celles de son innocence sont légion. Verdict ?

Mais quelle claque, m'sieurs dames, quelle claque ! de relativement indifférente à l'affaire – Ok, Dreyfus était innocent mais pourquoi en faire tout un plat ? – j'ai terminé « Les preuves » la tête bouillante d'indignation et aussi furieusement dreyfusarde que possible. Il faut dire que Jaurès n'a pas son pareil pour trouver les failles d'une argumentation et la démolir avec la minutie d'un chirurgien et la foudre ironique d'un satiriste : il ne met pas en doute les preuves des persécuteurs de Dreyfus, il les pulvérise une à une. Jusqu'à la dernière particule.

Sous sa plume précise, tout semble d'une telle limpidité, d'une telle clarté (et pourtant, l'affaire est diablement complexe avec ses multiples rebondissements abracadabrants) que l'on en sourirait presque avant de se rappeler que tout cela est vraiment arrivé, que ce tissu d'imbécilités, que toutes ces petites lâchetés si risibles, que tous ces petits complots mesquins ont bien failli mener un homme au déshonneur et à la mort. Alors, le sang nous monte à la tête et, malgré le siècle écoulé depuis, on brûle d'envie de bondir sur ses pieds et de brailler avec Jaurès : « Misérables, vous mentez ! ».
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