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Critique de vilvirt


Au-delà d'un livre qui ferait l'éloge des merveilles évidentes qu'abrite l'Herbier de Paris et des scientifiques qui le peuplent et l'ont enrichi, Botaniste est un livre passionnant écrit par un passionné à destination de passionnés. Si les expéditions historiques des grands botanistes au fil des siècles vous inspirent, si les noms latins ne vous effraient pas, si vous avez envie de comprendre pourquoi l'utilité de l'herbier est si grande à notre époque, et comment ces tonnes de plantes, de graines et de feuilles ont pu être conservées et peuvent nous permettre de voir évoluer le paysage végétal pour mieux appréhender les dérèglements écologiques actuels, alors ce livre est fait pour vous.

Les chapitres se dévorent, on voyage aux côtés d'Adanson, Commerson, Linné ou Poivre aux confins du monde - au gré des océans et des grandes forêts tropicales du monde. On parcourt les mers avant d'atteindre des rivages inconnus d'où repartiront, pour la science, mais parfois aussi pour le commerce, de nouvelles espèces encore inconnues en Europe. Marc Jeanson raconte les aléas des expéditions au fil des siècles, les obstacles, les guerres politiques, les comptoirs étrangers, l'excitation des découvertes exotiques, les premiers regards posés sur des paysages inconnus. Parfois aussi, la disparition de grands hommes dans l'indifférence générale en dépit de leurs exploits et de leurs dangereux périples. Et il raconte tout cela avec une poésie irrésistible. On a l'impression de connaître tous ces botanistes qu'il évoque avec tendresse.

Mais en parallèle de cette histoire de la botanique, se mêlent des souvenirs d'enfance, ses propres voyages initiatiques à la recherche de palmiers gigantesques, la naissance de sa vocation et ses rencontres déterminantes au détour d'une allée du musée.

L'auteur passe d'une époque à une autre selon un cheminement assez logique, partant de la création de l'Herbier et de ses différents modes de fonctionnement aux multiples avancées technologiques qui ont mené à d'autres formes de classement des espèces censées faciliter l'étude et les recherches. Il nous fait ainsi sauter plusieurs siècles au détour d'une page, comparant d'une époque à une autre les voyages, les distances, les méthodes d'identification, les paysages en constante évolution... Il évoque l'aspect merveilleux des vieux herbiers sans âge, fragiles et parfumés, conservés depuis des siècles, avec lesquels il a eu la chance de faire ses premiers pas. Puis repasse au présent, aux méthodes actuelles, à l'avènement de l'ADN qui a bousculé les systèmes de classification et modifié la perception de son métier.

Et toujours, en filigrane, ce rapport extraordinaire au végétal qu'on ne peut concevoir que lorsqu'on y a cédé. J'adore lire les descriptions de son appartement noyé sous des plantations par centaines...

Rarement un livre m'aura happée à ce point, jusqu'à l'emporter avec moi un peu partout. C'est une de mes plus jolies découvertes de cette année qui m'a fait renouer avec toutes ces lectures botaniques de mon adolescence.

Je partage un extrait particulièrement parlant qui montre jusqu'à quel degré de compréhension peut mener la passion du végétal :

"Patrick (Patrick Blanc) a inventé les murs végétaux, mais avant cela, il a pensé l'ethologie végétale. Chez lui, aux portes de Paris, sa maison disparaît sous une avalanche de flore. À vivre ainsi au milieu des feuilles, il a fini par les appréhender dans ce qu'elles ont de plus intime, de plus civilisé, de plus personnel. Car cette lumière diffractée qui me fascinait tant étant gosse, qui me faisait asseoir sous les feuilles comme face à un poste de télévision, est au coeur de l'énergie végétale : sans le savoir, je regardais pendant des heures les stomates s'ouvrir et se fermer. Ces mouvements lents qui nous échappent, Patrick les avait décryptés, il les prenait en compte à l'échelle de l'organe, de la tige, de la racine. Il pouvait prédire qu'en trente jours, le philodendron tendrait deux nouvelles feuilles, et comment les plus âgées s'écarteraient afin de permettre à leurs jeunes voisines d'accéder à la lumière."
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