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Critique de Woland


Vi, de druknede
Traduction : Hélène Hervieu & Alain Gnaedig

ISBN : 9782264053312

Une fresque. Dans toute sa gloire et à la gloire des pêcheurs danois. Jensen nous raconte l'histoire d'une petite ville côtière, Marstal, dont le destin repose sur la pêche en mer, ceci du milieu du XIXème siècle à l'après-Seconde guerre mondiale. Comme fil rouge, parmi les personnages récurrents secondaires, les membres de la famille Madsen, de Laurids, "l'Homme qui monta au ciel", surnom reçu lors d'une bataille navale avec les Allemands, et en revint tellement secoué qu'il finit par s'embarquer pour Java et ne plus donner signe de vie, jusqu'à Knud Erik qui, lui, verra la capitulation des nazis et cherchera, au contraire de Laurids et non sans peine, à mener une vie équilibrée, en passant par la prodigieuse figure d'Albert, fils de Laurids et père en quelque sorte adoptif de Knud Erik. En arrière-fond, la volonté intransigeante d'une femme, Klara Friis, tombée amoureuse d'Albert mais hantée par les hommes que lui a pris la mer et qui rêve, pour se venger, de dépouiller peu à peu Marstal de sa flotte de chalutiers.

Tenter de résumer cette histoire, qui s'étire sur près de mille pages en édition de poche, est chose impossible. On songe, c'est vrai, un peu au Melville de "Moby Dick" avec une pointe d'aventures et quelques trognes digne de "L'Île au Trésor" de Stevenson En ce qui concerne les passages relatifs à la seconde vie de Laurids, c'est même carrément Conrad et "La Folie Almayer" qui viennent à l'esprit. C'est vous dire que "Nous, Les Noyés" ne baigne pas précisément dans une atmosphère sereine ! A la fin de l'ouvrage, Jensen cite ses sources, qui sont nombreuses mais sa part à lui est loin d'être minime. Si "Nous, Les Noyés" a quelque chose de fou, d'atroce et d'implacable, si ce roman fait montre aussi d' un humour constant et si la cohérence des événements relatés ne part pas à vau-l'eau sous des longueurs à notre avis inutiles et des retournements de caractères - plus que de situations - un peu déroutants, c'est bien à l'écrivain que nous en sommes redevables.

Carsten Jensen possède au plus haut degré l'art du portrait. Il vous campe des silhouettes folles, blessées, incroyables, comme par exemple l'ignoble instituteur Isager, un sadique de la plus belle eau qui apprend le minimum à ses élèves et toujours à coups de garcette. Sous le rude climat danois, au plus près d'un océan aux lames glaciales qui, malgré ses dangers, représente le seul avenir, la seule richesse possibles de ceux qui le craignent, la vie s'entête à résister à tout et à tous : ni les naufrages, ni les guerres, ni la fuite de certains (ou leur suicide), pas plus que les menées destructrices de Klara Friis n'auront raison de Marstal. La preuve : si la pêche aujourd'hui n'est peut-être plus ce qu'elle était, la ville s'est reconvertie dans le chauffage solaire et possède la centrale de ce type la plus importante du Danemark.

Cependant, si les récits marins et les épopées qui mêlent atrocités réalistes, descriptions plus ou moins laborieuses et poésie humoristique ne vous attirent pas, mieux vaut pour vous éviter ce "Nous, les Noyés." Malgré les nombreux prix qu'a reçu ce livre mi-roman, mi-récit, vous risqueriez de vous lasser - ou de vous endormir. Les personnages dans leur majorité restent pourtant attachants - y compris certains "méchants" - et l'on se prend à suivre les mille et une péripéties de leurs existences. Par contre, ce qui est curieux, c'est qu'on oublie vite l'ensemble. Sont-ce les longueurs ? L'air de wagons attachés de guingois l'un derrière l'autre que donne au lecteur certains chapitres ? Autre chose ? Un souffle que l'on cherche en vain ? ... Je ne saurais le dire mais enfin, vous voilà prévenus. Et puis, ce n'est qu'une opinion personnelle : "Moby Dick"ne me séduit pas et pourtant, voyez tous ceux qui crient au chef-d'oeuvre en parlant du livre de Melville.

En résumé, ce sont les vacances et vous flânez : si vous aimez le Danemark, la pêche, les bateaux et les belles et longues histoires sauce scandinave, ne vous laissez pas décourager par mes remarques, emportez "Nous, Les Noyés" sur la plage et lisez-le avant de revenir nous donner votre avis. Bonne lecture ! ;o)
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