AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Lou987


J'apprécie énormément les éditions du Diable Vauvert — je suis également une grande fan du travail et du talent éditorial de Marion Mazauric — et c'était donc une immense joie que d'apprendre que j'avais été sélectionnée pour critiquer un de leurs ouvrages !

Contes du Soleil noir. Audit, d'Alex Jestaire, signe parfaitement avec la ligne du Diable Vauvert. Complètement décalé, court, maîtrisé et tranchant, cet opus — le quatrième tome d'une série de 5 —, fait place à une écriture à la fois cynique et réaliste, ce qui est d'ailleurs inquiétant.

C'est l'histoire de trois employés d'une boîte de consulting, et leurs deux stagiaires, qui sont envoyés à Londres pour effectuer l'audit d'une entreprise : à savoir, qui reste et qui part, puisque ladite entreprise est en liquidation. Nous suivons donc ces 5 personnages, aussi énigmatiques les uns que les autres — et pas le moins du moins rassurants.

Audit fait avant tout montre du monde impitoyable et cruel de l'entreprise moderne. D'abord, hiérarchisation oblige, il y a les patrons que l'on ne rencontre jamais dans l'histoire — qui échangent par mails —, il y a celle que l'on envoie au casse-pipe pour accueillir les consultants — qui se plie en quatre pour satisfaire ces messieurs dames, alors que le destin est scellé depuis un bon bout de temps — et les ouvriers — qui eux, sont des dommages collatéraux, et dont on ne tient pas compte. L'entreprise est décrite comme un milieu froid, hostile à toute négociation, où rentabilité et rendement sont les maîtres-mots : s'ils viennent à disparaître, alors l'entreprise aussi. Rien n'est rassurant dans ce livre : l'ambiance est très étrange — avec ce Soleil noir qui donne des pouvoirs aux consultants, tantôt celui d'influer sur le jugement des autres, tantôt celui du droit de vie ou de mort, tantôt celui de contrôler la mémoire —, les personnages principaux intrigants — mais surtout bizarres, on n'a pas trop envie de les connaîtres davantage —, et le milieu de l'entreprise moderne, intransigeant et finalement inhumain. L'objectif des consultants ? Ils s'en vantent dès les premières lignes, ce qui n'en est que plus cruel. Bien sûr, cela fait terriblement écho à la société actuelle, et ça n'en est que plus déstabilisant : des consultants sans coeur — payés des milles et des cents—, un audit joué d'avance, des patrons lucides — qui protègent, sans une once de gêne, leurs intérêts personnels avant ceux de leurs ouvriers—, des ouvriers qui croient dur comme fer à la stratégie mise en place par les consultants — et aux mensonges débités avec un tel aplomb qu'ils leur vouent une confiance aveugle… C'est un univers sans pitié et si j'ai apprécié ce livre, c'est certainement pour sa glaçant authenticité et véracité. Car, s'il ne s'agit que de fiction, et si les agissements des consultants sont dictés par le pouvoir conféré par le Soleil noir, rien n'en est moins vrai aujourd'hui. L'entreprise sert le patronat avant les ouvriers, peu importe leur situation personnelle. Et ça, Alex Jestaire nous le rappelle avec brio.

Enfin, Alex Jestaire nous transporte, au fil des pages, avec son style aussi affuté qu'un couperet, sans transition ni pitié — à l'image de ces personnages qui, disons-le, sont exécrables — au travers une histoire qui fait froid dans le dos. Lorsque l'éditeur parle d'horreur, il s'agit bien là d'une fiction d'horreur. Non pas à cause du suspense, de la tension, des ambiances morbides, mais certainement par ce style complexe, sec, tranchant, qui reflète à l'identique le monde cruel de l'entreprise. Je pense que c'est pour cette raison que cet ouvrage m'a dérangée : il est criant de vérité, et c'est triste de se dire qu'hélas, Audit n'a de fiction que la présence du Soleil noir…

Je recommande la lecture de cet ouvrage — même si parfois, on s'y perd un peu, tout va tellement si vite, à l'image du développement de l'intrigue, d'ailleurs —, parce qu'il m'a parlé, et qu'il m'a plus ou moins ouvert les yeux sur la vérité du monde de l'entreprise. Et ça ne m'a pas rassurée quant à l'avenir…
Commenter  J’apprécie          21



Ont apprécié cette critique (2)voir plus




{* *}