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Critique de tiben



Nos corps étrangers est le premier roman de Carine Joaquim publié aux éditions la Manufacture des livres. Il fait partie de la sélection de la nouvelle session des 68 premières fois.

Voilà déjà deux excellents indices qui m'inciter à me plonger le plus rapidement possible dans cet ouvrage.

« La saison lui faisait l'effet d'un grand nettoyage salutaire, une espèce de retour aux choses sérieuses après la douce insouciance de l'été. le vent arrachait, la pluie lavait, évacuait, et l'impression de saleté que laissaient les feuilles mortes accumulées était un mal nécessaire avant que l'hiver fige le décor jusqu'au printemps. Cette année, le ravissement avait été total. Loin de la ville bétonnée, il lui semblait voir respirer la nature, s'assoupir le sol gorgé d'eau, soupirer les arbres à mesure qu'ils dévoilaient leurs branches tordues. »

Une famille en crise

Comme je l'avais anticipé, j'ai été happé dès les premières phrases par les aventures de Stéphane, Elisabeth et Maëva leur fille. J'ai tourné 50 pages d'emblée avant de relever la tête… captivé. Je l'ai posé et je me suis empressé de le reprendre tant j'étais impatient. La vie est loin d'être un fleuve tranquille pour nos personnages. Les pages se tournent à un rythme effréné, les trois parties correspondant aux trois trimestres de l'année scolaire de Maëva sont dévorées en moins d'une journée. On termine essoufflé et véritablement sonné par ce final aussi inattendu que très fort concocté par Carine Joaquim.

Pour repartir sur de bonnes bases à la suite de son adultère, pour casser la routine, pour fuir Paris et cette impression de confinement (tiens ça rappelle quelque chose…), Stéphane achète une maison à la campagne, à une vingtaine de kilomètres de Paris. de l'espace, un jardin, un atelier indépendant pour que sa femme s'adonne à sa passion de la peinture, en apparence tout pour plaire afin de relancer cette famille « banale et ordinaire ». Sauf pour Maëva qui perd toutes ses copines. Ah les adolescents… La suite ? Vous vous en doutez… chassez le naturel, il revient au galop. Tous les cauchemars passés refont surface, d'autres s'ajoutent… et je vous laisse découvrir les tragédies personnelles, le délitement progressif de la famille et la destinée des personnages « secondaires » qui finalement n'en sont pas.

« Il osa croiser son regard. Les yeux de Maëva étaient emplis de larmes. Sa sincérité le toucha, et il se sentit plus amoureux que jamais. Peut-être qu'il était là, l'aboutissement du parcours, dans ce regard compatissant qui lui donnait l'impression d'avoir enfin trouvé sa place. »

Une écriture poétique et fine, un style fluide

Inutile de le nier, autant l'écrire d'emblée : j'ai été particulièrement séduit par l'écriture de Carine Joaquim. le très gros point fort de ce premier roman. Quelle maîtrise pour une première fois!

La plume est brillante et très expressive. Carine Joaquim réussit à faire ressortir les envies et les détestations, les craintes et les joies, la rage et l'amour, l'intime, les troubles… On s'identifie aisément aux personnages, on ressent leur émotion. Authenticité, bienveillance et justesse qualifient parfaitement ce que j'ai ressenti en me plongeant dans Nos corps étrangers. Adolescent ou adulte, chacun a un jour eu maille à partir avec les évolutions de son corps.

Tout est merveilleusement décrit, ni trop ni trop peu, juste ce qu'il faut pour le lecteur sensible que je suis. Carine Joaquim ne prend jamais partie, ne juge pas. Elle se contente de décrire sincèrement, avec pudeur et humanité mais jamais de manière totalement neutre. A l'instar d'une étude psychologique, chaque action, chaque comportement des personnages trouvent une justification. Les mots sont méticuleusement choisis, la tonalité majoritairement tragique.

Je réitère : le tout est parfaitement maitrisé. Chapeau bas!

« Plus de la moitié des villageois avaient franchi le pas depuis quinze ans. Certains n'avaient plus donné de nouvelles, c'est vrai, mais leur famille s'attendait malgré tout à les voir revenir un jour, dans une belle voiture et vêtus des plus grandes marques. Quant aux autres, ils envoyaient régulièrement des sommes d'argent qui amélioraient sensiblement le quotidien. Ainsi l'eldorado européen continuait à faire rêver ceux que leur terre natale privait d'espérance »

Thèmes foisonnants

Mais… car une chronique juste doit tout mentionner, le nombre de thèmes abordés constitue une vraie réserve dans mon appréciation. Si je suis persuadé que cela part d'un bon sentiment, s'il n'y a pas d'incohérence dans l'ensemble, je regrette que de nombreux points n'aient été qu'effleurés. Sont-ils trop actuels ? trop clivants ? Je ne saurais dire...

Restreindre et approfondir auraient surement été un choix plus approprié. L'humain est complexe, nos corps propices à de multiples mutations et par conséquent interprétations… Refus et anorexie, évolution et transformation, mal être et adolescence… oui assurément. Mais était-il judicieux d'y adjoindre la violence, le harcèlement, les migrants, le handicap… ?

Je ne vous cache pas qu'en rédigeant volontairement cette chronique à chaud, je reste un peu sur ma faim en refermant le livre concernant le fond. Comme une impression de quête inaboutie… Que retiendrai-je finalement de cette lecture ?

« Entre eux c'était l'amour fou, cet amour adolescent qui s'enracine profondément dans le coeur, dont on croit qu'il est et sera toujours le seul, et d'une certaine manière c'est ce qu'il est, celui qui éveille à la vie, la souche mère de tous les amours à venir. »

J'ai beaucoup apprécié indéniablement Nos corps étrangers tant c'est fluide et agréable. Je ne peux que mettre en exergue la superbe écriture de Carine Joaquim, qui plus est pour un premier roman.

Roman noir, haletant et ancré dans notre réalité contemporaine, à mi-chemin entre littérature blanche et thriller domestique, Nos corps étrangers ne vous laissera pas indifférent. Je vous le recommande fortement.

Et vous, quel est votre avis ? Emu ou insensible ? coup de coeur ou quelques réserves ?

4/5


Lien : https://www.alombredunoyer.c..
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