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Critique de umezzu


Laurent Joffrin emmène le lecteur dans le sillage de son sloop le Pleg Mor, qui durant plusieurs saisons va, à quelques variantes prés, refaire le trajet de l'Invincible Armada, cette flotte espagnole qui devait accompagner un débarquement espagnol en Angleterre depuis les côtes des Flandres du temps d'Élisabeth I ére.

L'histoire est globalement connue : Philippe II d'Espagne entendait mettre fin à l'hérésie protestante et aux attaques des corsaires anglais sur les possessions espagnoles dans le nouveau monde (et même sur les ports espagnols de la péninsule ibérique), en regroupant un grand nombre de vaisseaux de fort tonnage pour prendre le dessus sur la flotte anglaise, dont le nom le plus célèbre était alors Francis Drake. Il a confié le commandement de cette flotte à un terrien, absolument ignorant du monde de la mer, mais Grand d'Espagne, Medina Sidonia. Quel contraste entre une marine lourde, marquée par la hiérarchie des titres de noblesse, et les vaisseaux anglais, menés par des marins habitués à agir vite, à organiser des raids, et dotés de canons plus performants.

Cette « armada » était certes massive, mais son qualificatif d'« invincible » est venu après coup pour glorifier un peu plus la victoire anglaise… pardon la victoire d'Éole. Car Joffrin explique très bien que les combats entre la flotte espagnole et la flotte anglaise en Manche ont fini par une espèce de nul tactique. L'échec du projet de débarquement est plus à trouver dans la pression considérable mise sur les tercios espagnols des Flandres par les « Gueux » néerlandais. Il était tout bonnement impossible d'embarquer les troupes nécessaires à une invasion, alors qu'une guerre mobilisant les troupes avait commencé aux Pays-Bas espagnols. L'idée initiale ne pouvait tout bonnement plus être réalisée.
Le chapitre de Joffrin sur son trajet dans les canaux des Pays-Bas est sur ce point historique un des plus intéressants.

La décision de Medina Sidonia de rejoindre l'Espagne par la mer du Nord, puis celle d'Irlande, s'est avérée catastrophique. Des navires se sont perdus (les explications sont les problèmes de calculs de la longitude au XVI éme siècle sont éclairantes), avant d'être exposés à de terribles tempêtes. L'Angleterre était tranquille sur son île pour un bon moment...

Ce petit livre ne traite évidemment pas que du contexte historique; le bateau barré par Joffrin suit des côtes, va de port en port, remonte même la Tamise. Il lui arrive à lui aussi quelques incidents. La partie sur la traversée de l'Écosse par les Lochs et les canaux est, elle, une invitation au tourisme.

L'auteur est amateur de navigation et de tout le vocabulaire qui va avec, incompréhensible pour le terrien normal, mais qui devient presque romanesque dans cette comparaison entre les marines du XVI éme et du XXI éme siècle.

Il y a même quelques détails savoureux. On sait aujourd'hui que les équipages de la marine à voile étaient malades après quelques semaines de mer. le régime alimentaire et l'absence de fruits et légumes frais sont souvent incriminés, mais rarement… l'eau. Cette eau fraîche chargée dans des tonneaux, mais qui finit sous l'action de l'air, de la chaleur et des micro-organismes qui l'accompagnait par devenir elle aussi dangereuse pour les boyaux. le pompon (de marin) étant atteint lorsque Joffrin explique que l'eau de Brest étant considérée comme la meilleure, les équipages qui en avait chargé en gardait un fond dans les tonneaux pour le voyage suivant. Et voilà une eau croupie qui va en contaminer une saine…

Ce mélange de marine moderne et ancienne, d'histoire, de géographie et de tourisme nautique, est sur les premiers chapitres un peu trop autocentré, avant d'être formidablement instructif.
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