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Critique de la_chevre_grise


Peut-être parce que j'avais lu bon nombre d'avis de personnes déçues, je n'attendais pas grand-chose de cette lecture. Et j'ai du coup été plutôt agréablement surprise même si ce roman n'est pas pour autant dénué de défauts. Contrairement à ce que la couverture (très jolie) pouvait laisser craindre, il n'est pas du tout question d'une romance ici. Mais ce n'est pas non plus un roman d'aventures. Il s'agit davantage d'un carnet de bord dans lequel une jeune européenne, partie à l'aventure, va noter ses impressions et des répercussions de ce carnet dans la vie de Frieda, jeune anglaise moderne.

Deux récits s'entremêlent donc. D'abord, le récit principal, celui à la première personne d'Evangeline, jeune femme partie avec sa soeur missionnaire et son amie Millicent en direction de l'Orient. Élevées par un père diplomate, Evangeline et sa soeur Lizzie sont habituées à courir le monde. Lorsqu'elles reviennent s'installer à Londres, elles ne sont donc pas préparées à une vie plus monotone. À la mort du père, Lizzie devient missionnaire. Pour ne pas quitter sa soeur, Evangeline s'engage aussi. L'une emmène son appareil photo, l'autre sa bicyclette. Très vite, le drame s'installe. Evangeline se retrouve avec la responsabilité d'un bébé qu'une communauté musulmane est prête à tuer au nom des croyances locales. Si les trois jeunes femmes s'y opposent et sauvent l'enfant, cela n'est pas sans risque : la communauté, déjà peu encline à accepter des femmes, européennes, voyageant seules, ne peut tolérer qu'elles refusent leurs croyances. D'autant que Millicent n'oublie pas le but de son voyage : évangéliser ! Elle use de basses manoeuvres, excitant les passions et les tensions dans cette ville de Kachgar, déjà largement instable vu le contexte du pays.

Le second récit est à la troisième personne. On suit le questionnement de Frieda, jeune femme un peu perdue entre un boulot qui lui faire parcourir le globe en tous sens et une famille instable qui ne l'aide pas à se poser et à construire sa vie. En rentrant chez elle après des semaines d'absence, elle trouve un courrier l'avertissant qu'elle est la seule héritière d'une certaine Irène, qu'elle ne connait pas. Elle découvre dans son appartement un carnet, celui qu'Evangeline rédige au fur et à mesure de ses pérégrinations. C'est ce carnet qui liera le destin de ces deux femmes que plusieurs décennies séparent.

J'ai bien aimé la construction du roman en deux récits qui permet, lorsque le lecteur s'essouffle sur un des récits, de s'appuyer davantage sur le second. J'ai aimé également l'ambiance qui se dégage, que ce soit la chaleur harassante du Turkestan, la défiance envers les femmes, l'amour de la vie qui pousse Evangeline ; ou les doutes qui assaillent Frieda, son incapacité à comprendre qui elle est et ce qu'elle veut. le récit d'Evangeline prend souvent le dessus, d'autant qu'il est bien plus porteur d'exotisme pour le lecteur. Les personnages qui y sont croisés interpellent : ils ne sont guère attachants, notamment Millicent dont le comportement agressif envers une culture qu'elle ne connait pas ne peut que choquer. Mais il ne faut pas oublier qu'ils sont vu uniquement par le prisme d'Evangeline, qui va se découvrir petit à petit, se construire une identité forte et courageuse, malgré la blessure indélébile que ce voyage au bout du monde laissera. Car le sujet principal de ce roman reste celui de l'identité, ce qu'on est, comment on se construit, en fonction de notre famille et des blessures que chaque membre peut porter, de façon plus ou moins visible. Entre Evangeline et Frieda, chaque femme aura essayé de trouver sa voie, une façon de s'accomplir et de s'épanouir, sans grand succès. le sentiment de plénitude, d'être chez soi, au bon endroit, n'arrive jamais. Chacune est perpétuellement à sa recherche mais l'envie de bouger est forte.

Malgré des qualités donc, le récit manque terriblement d'explications historiques sur le contexte politique au Turkestan, sur les expéditions missionnaires au début du XXe siècle, la condition des femmes, les récits de voyages. La carte en début de roman, retraçant le périple d'Evangeline, est une bonne idée, mais elle est loin de suffire. J'aurais également aimé bien plus d'informations sur cette route de la soie que les jeunes femmes empruntent, qui n'est au final qu'un détail. Les personnages ont parfois des comportements difficiles à comprendre, comme Lizzie si totalement accrochée à son Leica, ou le prêtre italien qui perd la tête.

Je retiendrai finalement bien plus une ambiance agréable qu'un récit vraiment prenant.

Lien : http://nourrituresentoutgenr..
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