Ma peine s'est transformé en colère, lentement, très lentement, à mesure que la vie véritable se révélait, que mes beaux rêves s’évaporaient, je m'enfermais dans la haine, le rejet constant. C'était surtout la peur, celle d'être trahi, détesté, maltraité. Papa me giflait, je ripostais. J’étais si malheureux que je ne le savais même pas moi-même. Je me voilais la face, ricanais du mal-être des autres, seul et unique consolation qui marchait. Cette douleur, elle a glissé entre mes doigts. Je frappais encore et encore, jusqu'à lire dans les larmes des autres les mots dont j'avais besoin :
« tu vois, tu n'es pas le seul à souffrir »
Je frappais encore et encore, jusqu'à lire dans les larmes les mots dont j'avais besoin.
"Tu vois, tu n'es pas le seul à souffrir."
Je n'ai pas oublié, jamais je n'oublierai. Je n'ai pas non plus tourné la page. J'ai simplement remplacé les anciens mots du livre par de nouveaux bien plus beaux.
J'ai profité de chaque seconde en sa présence, me suis délecté de chacun de ses mots, même si ça semble idiot. Il ne m'a pas rejeté, il ne m'a pas haï. Mieux encore : il m'a tendu sa main. Il m'a donné une seconde chance, celle de rattraper mes fautes, de l'aider. De l'aimer. Et je l'aime. Je l'aime à en devenir fou.
Lui n’a vu qu’un inconnu. Moi, j’ai vu l’enfer. Celui que j’ai déjà foulé et que je m’apprête à affronter une seconde fois.