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Critique de nadejda


Une jeune femme d'aujourd'hui se rend à la gare, sans doute est-elle en déplacement à Rouen… Il lui reste du temps avant de prendre le train qui doit la ramener chez elle. Elle pénètre dans le musée des Beaux Arts où elle va s'alléger de ses bagages, de son manteau qu'elle dépose à l'entrée. Au cours de cette visite improvisée un tableau va la happer : une copie de Saint Sébastien soigné par Irène de Georges de la Tour

La vue du tableau l'entraîne, la met hors temps, hors champ comme l'a fait une douloureuse liaison qu'elle se remémore ; une passion mortifère, désormais révolue, dont le souvenir reste toujours vif.
Georges de la Tour et son Irène vont lui permettre de revivre ce bouleversement amoureux, de l'apaiser en lui en restituant la beauté lumineuse et sombre, beauté transfigurée par le silence et la profondeur du tableau tout en clair-obscur.
« Je n'arrive pas à détacher mon regard du visage de la jeune femme du tableau. Ni de la légèreté de ses mains sur la blessure, comme des ailes bienveillantes qui emporteront la douleur au loin et la laisseront se dissoudre dans la nuit. »

"L'ombre de nos nuits" ce sont trois voix qui se répondent par delà l'espace et le temps, par le truchement d'un tableau et la magie de l'écriture de Gaëlle Josse qui permet leur dialogue : celle du peintre Georges de la Tour, celle de Laurent l'apprenti dont on peut imaginer qu'il ait pu faire une copie de ce tableau où Claude la fille de Georges de la Tour incarne Irène, et l'inconnue qui contemple. Ils sont tous unis par la beauté douloureuse de leur passion.

Ainsi de la Tour qui se prépare dans l'isolement de son atelier :
« Je regarde les bâtons de fusain posés à côté de moi, alignés, pour l'esquisse de la scène. À chaque fois, cette hésitation. La trace de la main, le contact avec la toile. Éternelle initiation. Comme on approche un corps qui s'offre pour la première fois. Découvrir comment il va réagir, frissonner, trembler, gémir. Deviner quel est son secret, sa joie, sa blessure. Éprouver cette sensation qui ne peut être qu'une seule fois et disparaît dans le geste qui l'accomplit. le geste de la connaissance.
(…) J'aime le silence qui accompagne la nuit, j'aime le feu, l'ombre et leur danse, ils se cherchent, s'évitent, s'enlacent. le silence qui accompagne nos vérités. Je n'ai pas besoin de grand-chose d'autre, quand j'y pense.

et la jeune femme, comme en écho, parlant de celui qui va l'isoler dans sa passion :

« Dès l'instant de notre rencontre, j'ai découvert un état nouveau, du moins inconnu dans cette intensité, comme si je prenais conscience pour la première fois de la profondeur et du relief d'un paysage familier, soumis à un éclairage d'une violence nouvelle, dessinant des contours aigus et creusant des ombres insoupçonnées. Un état de tension, éprouvé dans chaque partie du corps, dans le ventre, les épaules, au fond de la gorge, comme un appel incessant et muet. L'attente. S'y joignaient les efforts surhumains pour ne pas la montrer, à la manière dont on isole dans une pièce un animal domestique trop bruyant ou trop turbulent pour un visiteur. Il me fallait la discipliner, la travestir pour ne pas t'effrayer d'un amour trop grand.

Il va leur falloir après s'être brûlés, poursuivre jusqu'au bout leur chemin amoureux et « Alléger. S'alléger. le plein naît du vide. Simplifier. Densifier. Nous n'emporterons rien avec nous dans notre ultime voyage. »
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