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Critique de NMTB


Un livre au titre déjà trompeur. Il est aussi question d’artistes, et d’écrivains d’abord, discrets, qui auraient préféré ne pas créer mais qui n’ont pas pu s’en empêcher, un tout petit peu, parce qu’il faut bien vivre... Ce n’est certainement pas une anthologie de tous les artistes discrets ou sans œuvres, ce n’est pas non plus un éloge du vide, pas plus une tentative de réhabilitation d’écrivains oubliés, ou une réflexion sur le statut de l’artiste en général, ce n’est pas un livre théorique ni de fiction, ce n’est pas un livre sérieux ou drôle et il est loin d’être triste, il n’est pas mal écrit, il n’est pas tout à fait accessible sans être du tout abstrus. La question « A quoi bon ? » a déjà été trop posée. « L’angoisse de la page blanche » a été un sujet trop ressassé, tout comme les liens entre la fiction et la réalité. Alors, à quoi bon revenir là-dessus ?
Et puis, Jouannais n’est qu’un critique d’art. Et vous savez ce que disait Blanchot sur la critique, dans un remarquable texte qui mériterait d’être cité en entier : « Ici, la parole critique, sans durée, sans réalité, voudrait se dissiper devant l’affirmation créatrice : ce n’est jamais elle qui parle, lorsqu’elle parle ; elle n’est rien ; remarquable modestie ; mais peut-être pas si modeste. Elle n’est rien, mais ce rien est précisément ce en quoi l’œuvre, la silencieuse, l’invisible, se laisse être ce qu’elle est : éclat et parole, affirmation et présence, parlant alors comme elle-même, sans s’altérer, dans ce vide de bonne qualité que l’intervention critique a eu pour mission de produire. La parole critique est cet espace de résonance dans lequel, un instant, se transforme et se circonscrit en parole la réalité non parlante, indéfinie de l’œuvre. Et ainsi, du fait que modestement et obstinément elle prétend n’être rien, la voici qui se donne, ne se distinguant pas d’elle, pour la parole créatrice dont elle serait comme l’actualisation nécessaire ou, pour parler métaphoriquement, l’épiphanie. » Et un peu plus loin : « On se plaint de la critique qui ne sait plus juger. Mais pourquoi ? Ce n’est pas elle qui se refuse paresseusement à l’évaluation, c’est le roman ou le poème qui s’y soustrait, parce qu’il cherche à s’affirmer à l’écart de toute valeur. Et, dans la mesure même où la critique appartient plus intimement à la vie de l’œuvre, elle fait l’expérience de celle-ci comme de ce qui ne s’évalue pas, elle la saisit comme la profondeur, et aussi l’absence de profondeur, qui échappe à tout système de valeurs, étant en-deçà de ce qui vaut et récusant par avance toute affirmation qui voudrait s’emparer d’elle pour la valoriser. »
Qui sait, il sera peut-être réservé à un critique aussi dégagé de préoccupations publicitaires, aussi épris de vitalité que Jean-Yves Jouannais de réconcilier la critique et ceux qu’elle ignore ? En tout cas, il y en a au moins un à qui ce livre a été utile, c’est Enrique Vila-Matas, l’auteur d’une préface dans laquelle il reconnait toute sa dette à Jouannais. Car son « Bartleby et compagnie » est plus qu’une variation sur « Artistes sans œuvres », moins qu’un prolongement, ce sont quasiment deux livres jumeaux, à tel point qu’on peut se demander si l’un ne serait pas le fantôme de l’autre. Toutefois je préfère le roman de Vila-Matas.
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