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Critique de jeandubus


Dien Bien Phu. La fin d'un monde.

Dans un ahurissant avant-propos, Pierre Journoud après l'avoir dédié à sa mère Monique, dédie aussi son livre à Geneviève de Galard, infirmière éphémère désignée comme « l'ange de Dien Bien Phu » incarnant « la grâce, le dévouement, la compassion, le réconfort, l'espoir ».

Dans un raccourci frappant Pierre Journoud n'oublie pas non plus « dans l'enfer des hommes assiégés » ( !) « les épouses discrètes et peu visibles des partisans thaï, dont on ne sait rien » et puis « cette cohorte de femmes vietnamiennes, une vingtaine à peine (…) prostituées initialement recrutées pour « renforcer le moral » des soldats (qui) ont gagné la reconnaissance éternelle des hommes dont elles ont partagé les espoirs, les désespoirs, les combats à la vie à la mort »

Et le reste…
( vingt femmes « à peine » pour quatre-vingt mille soldats proches du tombeau)
Au-delà de la page 8, chères lectrices, vous n'êtes plus concernées et dans un sens c'est aussi bien.

Une thèse de doctorat ne fait pas un livre et l'Histoire n'est pas une discipline barbante qu'on assène sans émotion à un groupe muet et inerte.


Aurait-on pu choisir nos époques de prédilection pendant nos études secondaires que le fil des cours en aurait été mieux modulés. Aurait-on eu un vrai programme en début de session, d'année ou de trimestre qu'on se serait sans doute plus impliqué dans des créneaux de prédilection, aurait-on brillé sur la guerre de cent ans où les croisades. Aurait-on pu discerner sans ambiguïté le noeud gordien de l'Histoire et de la Géographie, et partant, tant d'autres disciplines que les heures chaudes et odorantes des cours magistraux eussent paru moins longues.


Personnellement j'ai choisi le Vietnam et ce titre (proposé aimablement par masse critique) par affinité avec l'Asie du Sud Est où (entre autres régions du monde) j'ai exercé ma profession, où j'ai appris à reconnaitre les peuples et leurs cultures passées ou contemporaines qui ne se limitent bien évidemment pas aux seuls conflits, aux seules batailles et pugilats. Encore moins aux prostitués.ées toujours disponibles malgré eux pour « renforcer le moral » des blancs dominants.


Mais rien n'a changé dans la littérature convenue et scolaire des thésards : la règle reste les notes en fin de volume ( ici plus de 700 lisibles avec une loupe) et quatre (4) malheureuses cartes qu'on découvre par hasard en fin de volumes entre « notes » et « sources écrites » situant le lieu de la bataille. (Pour ma part j'ai lu un quart de ce pensum sans pouvoir situer quoi que ce soit.)

J'aimerais savoir ce qui a motivé Pierre Journoud pour se lancer dans une telle entreprise et ce qui l'aurait convaincu que sous cette forme abstruse et avec ce fond limité, un public pourrait lui manifester un quelconque intérêt. Celui des anciens combattants encore vivants, des anciens enfants de la « reconnaissance éternelle » ? Le mystère des vocations, sans doute.


Au-delà de cette juste indignation, et malgré le discours lourdement masculin, où la prétention inepte et provocante des officiers et des politiques efface jusqu'à l'existence même des soldats en tant qu'êtres pensants : des centaines de milliers une fois encore réduits à un unique soldat inconnu, un gros tas de chair en convulsion ; au-delà donc, j'ai appris quelque chose sur cet évènement qu'on cache ou qu'on évite dans les manuels scolaires :
Dien Bien Phu n'était pas une étroite cuvette où les français se seraient fait piéger malgré eux par les vietminh (la piste aux étoiles du général Bigeard…) C'était un lieu assez vaste (presque 200 km²) à 400 km au NO de Hanoï, avec des collines que les stratèges français avaient baptisées bêtement« Huguette, Claudine, Eliane etc » (avec les blagues de bidasses testostéronées qui vont avec : grimper sur dominique, sauter sur eliane, etc.) sur lesquelles ils se sont cassé les dents, plus une piste d'atterrissage pour des avions souvent détruits par la DCA « ennemie" avant toute approche. Et surtout, à l'ouest, tout près, la frontière du Laos non belligérant, en repli facile.

Bref, l'état-major, amateur s'il en est, planqué à 10 000km , s'est planté et les soldats vietminh renforcés des peuples amis et motivés ont gagné la bataille éclair en deux jours.
De soldats assiégés, de « nasse » point. Un choc frontal classique. Mais, au fait où apprend-on à faire(faire) la guerre? Dans les salons de la capitale ? Et dans ces salons-là, compte –t-on aussi les morts par liasses ?


Ni victoire ni défaite selon le gouvernement français. La pâtée selon les adversaires.
Et surtout, la perte des colonies orientales, véritable enjeu de cette énième boucherie qui se poursuivra au Maghreb.
Pour convaincre « l'ange de Dien Bien Phu » Geneviève de Galard, réticente réservée et discrète, de participer en juin 54, à un congrès aux Etats Unis, le ministère des affaires étrangères français débourse (sic) 150 000francs pour « la confection de robes qu'elle doit porter pendant son séjour ». Frivolité et parisianisme.


Cerise sur le chapeau ! Puisqu'on parle de la « fin d'un monde » dans cet ouvrage c'est de celui-là qu'il s'agit... Et bon débarras.

Et deux étoiles au général de brigade et docteur Journoud.


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