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Critique de keisha


Foin de douceur dès le début, mais la fascinante découverte de la Machine, à savoir le gibet de Mont faucon, extraordinairement et précisément décrit. Gibet disparu bien sûr, qui se trouvait en gros dans les environs du canal Saint-Martin.

"La Machine se dresse à la vue comme une tour de Babel à pendus, un gigantesque Rubik's Cube serti en plein pâtis, enraciné sur son écrin de tumulus."
"On y rencontre des contorsionnistes à jambes rebindaines, des équilibristes, des cabotins interdits de décubitus post mortem, on assiste à des numéros de trapèze, à des cabrioles d''estrangelez' qui ne sont pas sans rappeler les planches de Vésale, ses anatomies dégingandées, élastiques, arrimées à hue, retenues à dia, titubant contre un échalas, encagés dans les marges de la gravure comme les corps de Montfaucon sont empagés dans leurs fenêtres de pierre. C'est une forme de drive in en plein champ, sans billet d'entrée, un aquarium à pendus, un 'accrochage', un happening. Un grand code-barres mis en volume dans le décor."

Vers 1375, sous le règne de CharlesV. Raoulet d'Orléans est stationnaire rue Boutebrie. Son atelier s'attèle pour de longs mois à la copie de manuscrits, car Gutenberg est encore un nom inconnu. Son métier est associé à celui de parchemineur, enlumineur, relieur.

"C'est qu'avant la machine le manuscrit servant de guide au scribe, une fois copié, n'aboutit à rien d'autre qu'à un manuscrit, que le producteur d'idées fait oeuvre d'écrivain comme après lui le tâcheron des copies continue de s'appeler écrivain. Les lettres de fer scinderont le verbe, feraient plus, diviseraient le geste : l'auteur demeurera assis, jusqu'à nos jours encore, quand le copiste, celui de 1368, sur le point de se lever de son siège, deviendra l'ouvrier typographe, travaillant debout, pour ne plus s'asseoir (du moins pendant six cents ans, jusqu'à l'intronisation de l'ordinateur, nouvel outil le priant de se rasseoir.)"

Raoulet a parfaitement existé. En dernière feuille de ses manuscrits, on peut lire son congé d'écrivain, fignolé à chaque fois, par exemple:
"Si fu prince sus nommé
Ce livre baillé et donné
Par le dit Jehan que je ne mente
L'an mil CCC XII et soixante."

Et l'histoire? Mis à part une vivante description de la vie de cet atelier? Tout simplement qu'en accomplissant une commande du roi lui-même, à savoir recopier les Chroniques de France (et pour Raoulet habitué à copier des Bibles, l'impression de voir le passé tout proche caracoler derrière son épaule, comme nous lisons sur internet les dernières dépêches), Raoulet s'aperçoit que quelqu'un en profite pour exécuter une copie pirate. Et ça, cela ne doit pas être! Comme une sorte de plagiat. Sa profession a des règles!

Ce roman historique à la langue si drue, à l'érudition digeste, ne pouvait que me plaire!
Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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