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Critique de afleurdemots


S'appropriant tout un pan de l'histoire de la dynastie Tudor, Nicolas Juncker signe avec « La vierge & la putain » une oeuvre ambitieuse sur le fond comme sur la forme, qui allie avec brio érudition et sens du divertissement.
Ainsi, derrière ce titre aguicheur, se cache en réalité une bande dessinée de près de 200 pages, découpée en deux volumes pouvant se lire indépendamment l'un de l'autre, et propulsant le lecteur sur les traces de Marie Stuart et de sa cousine, Elizabeth Ire.

A travers une structure en palindrome, Nicolas Juncker met ainsi en scène les personnalités et les destins en miroir des deux souveraines. Décortiquant leurs trajectoires respectives et relevant les similitudes qui émaillent leurs parcours hors norme, le dessinateur s'amuse à dresser des parallèles entre les vies tumultueuses des deux cousines, mettant en exergue les nombreux évènements se faisant mutuellement écho.

Prises indépendamment, les deux BD nous livrent ainsi le récit de deux destinées hors du commun, diamétralement opposées du point de vue de leurs finalités, mais néanmoins intimement liées, tandis que mises bout à bout, elles offrent au lecteur une vision inédite de ce pan de l'Histoire, abordé à travers un angle d'attaque original et bien pensé. Par un jeu de miroir narratif doublé d'une savante construction graphique et scénaristique, le dessinateur déroule les fils de ces intrigues parallèles, dévoilant progressivement toute la malice du procédé, tandis que la double pagination permet de guider le lecteur dans sa lecture afin de lui faire apprécier à sa juste valeur l'ingéniosité de la construction.

En dépit d'une marge de manoeuvre limitée du fait de la complexité de la mise en scène de son récit, Nicolas Juncker a su extraire l'essentiel de la vie de ses deux sujets pour en livrer une synthèse relativement pertinente dans son propos et parfaitement logique dans l'enchainement des évènements. Au-delà de la véritable prouesse stylistique, le dessinateur signe donc un remarquable tour de force, aussi bien graphique que scénaristique, s'appuyant sur une narration éclatée qui puise tout son souffle dans le ton délicieusement décalé et légèrement insolent du récit.

Les ressorts comiques mis en jeu, s'ils ne sont pas toujours des plus fins ni des plus subtiles, fonctionnent parfaitement. La narration sans filtre, à la fois droit au but et pleine d'esprit, crée ainsi un décalage original avec la solennité froide et le protocole figé de la Cour à cette époque. Les répliques brutes de décoffrage et matinées d'humour graveleux fusent sous les yeux amusés du lecteur.

S'appuyant sur une solide documentation et à travers les portraits croisés de ses deux souveraines, Nicolas Juncker a su en outre capter et retranscrire avec brio toute l'essence de cette période à la fois trouble et foisonnante et mettre parfaitement en avant l'implacable force de caractère de ces deux femmes parvenues à s'imposer dans un monde d'hommes.

En dépit de l'irréfutable maîtrise du procédé, « La vierge et la putain » n'échappe pas à quelques écueils qui, quoique mineurs, démontrent néanmoins toute la limite de ce délicat exercice d'équilibriste. Si le choix d'une narration éclatée entre différents témoins oculaires permet d'offrir au lecteur un tour d'horizon des personnages qui influèrent la vie de Marie et d'Elizabeth, ce procédé crée rapidement une distance entre les souveraines et le lecteur qui peine à s'attacher à ces deux femmes aux zones d'ombre impénétrables. S'appuyant ainsi sur une succession de narrateurs faillibles dont la crédibilité peut à tout moment être mise en doute, Juncker nous relate les évènements à travers le prisme biaisé d'une multitude d'observateurs externes, sans jamais permettre au lecteur de s'immiscer pleinement dans l'intimité des deux reines ou de connaître leurs pensées. Jusqu'au bout, les deux femmes conservent donc une grande part de leur mystère, et leurs portraits manquent parfois d'un peu de nuances.

Les historiens ou les puristes de la première heure trouveront sans doute à redire de cette version empruntant inévitablement de nombreux raccourcis et dans laquelle les portraits psychologiques auraient gagné à être davantage nuancés. Certaines interprétations semblent ainsi parfois davantage relever d'un parti pris de l'auteur que d'une tentative (de toute façon purement illusoire) de prétendre à la vérité historique. Mais si la vision de Juncker est donc avant tout personnelle, à défaut d'être toujours historiquement irréfutable, son interprétation du déroulé des évènements ainsi que les portraits psychologiques qu'il propose n'en demeurent pas moins passionnants !

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Alliant avec brio érudition et sens du divertissement, Nicolas Juncker signe avec « La vierge & la putain » une oeuvre biographique de magnifique facture, aussi ambitieuse sur le fond que sur la forme. A travers une double bande dessinée de près de 200 pages, le dessinateur propulse ainsi le lecteur sur les traces de Marie Stuart et de sa cousine, Elizabeth Ire, dont il s'approprie les trajectoires mouvementées et les destins exceptionnels pour en livrer une vision aussi inédite qu'originale.
S'appuyant sur une astucieuse structure en palindrome, Nicolas Juncker met ainsi en scène les personnalités et les destins en miroir des deux souveraines dont il fait ressortir les nombreuses similitudes tout en soulignant la saisissante divergence de ces deux trajectoires diamétralement opposées quant à leurs finalités.
Au-delà de la véritable prouesse stylistique, le dessinateur signe donc un remarquable tour de force, aussi bien graphique que scénaristique, s'appuyant sur une narration éclatée et un ton légèrement insolent au service d'un humour souvent graveleux mais néanmoins efficace.
Avec « La vierge & la putain », Nicolas Juncker s'est ainsi approprié tout un pan de l'Histoire des Tudors afin de nous livrer une approche des évènements et une analyse psychologique de ses principaux acteurs qui se révèle aussi inédite que personnelle, à défaut d'être toujours historiquement irréprochable. Si certains détails semblent donc davantage relever d'un parti pris de l'auteur que d'une quête effrénée de la vérité historique, la parfaite maîtrise de l'exercice n'en demeure pas moins spectaculaire, et séduira sans aucun doute les inconditionnels du dessinateur, ainsi que tous ceux qui se passionnent pour cette période de l'Histoire !
Lien : https://lectriceafleurdemots..
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