Quartier rose

Servanne Qing le remercia du plus chaleureusement possible sans faire de commentaire bien qu’il aurait mérité une bonne leçon d’inclusion. Elle raccrocha le combiné quelque peu dépité. Elle allait devoir décharger d’autres sites en forces de sécurité et peut-être dépenser ses crédits de l’année, tout ça parce qu’une pauvre petite association de locataires d’un groupe d’à peine trois cent cinquante logements avait le bras aussi long que la secrétaire alléchante. Quelle misère ! Servanne examina avec soin les différents plannings de surveillance, passa une vingtaine d’appels, fit quelques promesses en l’air, séduisit quelques agentes administratives et, de crédits transférés de ligne en ligne et de personnels déplacés de poste en poste, elle réussit à s’assurer d’une vigie nocturne de l’entrée de l’escalier C pour neuf jours consécutifs. C’était déjà ça de pris tout en lui laissant le temps d’envisager d’autres solutions voire de tenter une médiation avec l’association des Habitants de l’Îlette de Janissaires.

Rachel Cerf et Marie Bonneuil se lancèrent un regard entendu. Si les habitants étaient consultés, la cause des droits et des libertés était perdue d’avance, comme elle aurait été perdue en 1982 si François Mitterrand avait choisi d’abolir la peine de mort par voie référendaire. Ah ! le bon vieux temps où défendre des principes avait plus de valeur que les montres suisses… Une grande affliction les gagna sitôt. Elles entrèrent par effet retour dans un silence protestataire que les arguments sécuritaires des différents représentants de Ma Maison à Paris ne surent lever. Pourquoi d’ailleurs chercher à les convaincre ? Servanne Qing avait compris qu’elles ne le seraient jamais mais qu’elles étaient suffisamment intelligentes pour avoir conscience que leurs idéaux avaient perdu la partie.