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Critique de Ecarlate


Edmond Jurien de la Gravière, mort en 1892, commanda les forces françaises envoyées au Mexique en 1861. Il est important de situer l'auteur dans sa profession et son époque. Il s'agit donc d'un militaire qui servit sous Napoléon III. Il écrivit donc un ouvrage sur et autour la bataille de Lépante, le 7 octobre 1571. Voyons l'avantage, l'auteur a une plume, ce qui rend le texte fluide pour un propos que l'on aurait pu craindre aride et technique de la part d'un militaire. Bon, ensuite, il est Catholique plus que convaincu et n'aime pas la religion Protestante. Il est à cet égard plus véhément qu'envers la religion musulmane, pourtant celle des adversaires de la Ligue chrétienne. Ensuite, si le livre se lit bien, c'est aussi parce qu'il fait souvent parler les protagonistes et n'hésite pas à donner leurs sentiments, ce qui est un artifice littéraire plus que scientifique. Ces réserves mises à part, vous avez là une assez bonne vue de la situation à l'époque : un pape, Pie V, nettement plus intègre que ses prédécesseurs, une Chrétienté aux intérêts souvent divergents, et un empire Ottoman dominateur en Méditerranée.
Les puissances chrétiennes dans la vieille mer sont l'Espagne de Philippe II, la Venise des Doges, et la France. Cette dernière est cependant l'alliée de la Sublime Porte ottomane, en raison de sa politique étrangère très agitée liée aux guerres de religions en pleine flambée et aux guerres continentales (Flandres, Pays-Bas). Notons aussi la petite mais active flotte de l'Ordre de Malte (4 galères), et les quelques galères papales et celles de princes italiens. Pie V a déjà réussi a créé une ligue entre Espagnole et Vénitien contre les Turcs en 1570, mais sans vraie réussite. Cette union est une première à ce stade, car du temps de Soliman le Magnifique, les Vénitiens restaient neutres en Méditerranée pour protéger leurs dernières colonies du levant datant du Moyen-âge et des Croisades, comme Chypre.
Or, Selim II, fils et successeur de Soliman, entend y mettre bonne ordre et attaque puis prend Chypre. de ce fait, les Vénitiens n'ont plus à jouer leur dangereux double-jeu, celui-ci n'étant plus rentable commercialement. La guerre de course en Méditerranée, faite de coups de mains et pillages, va devenir une véritable guerre qui opposera de part et d'autre un peu plus de deux cents galères. L'auteur nous fait passer facilement les détails techniques (coût d'une galère, armement, nombre, troupes…), cela facilite l'immersion dans le texte.
Voyant la puissance turque s'enfler, la ligue chrétienne, toujours prête à exploser à cause de dissension internes, finit par se cimenter en 1571autour de son jeune chef, Don Juan d'Autriche, frère bâtard de Philippe II. L'auteur nous brosse un portrait intéressant des jeunes et des vieux, tous nobles, à la tête de la flotte chrétienne, tout comme il brosse un portrait des beys au service du Sultan de Constantinople. Il a juste plus de difficultés pour ces derniers, manquant de sources.
A lire l'ouvrage, on comprend la difficulté à armer une flotte et à réunir les escadres de divers pays. le plus difficile à trouver reste un bon équipage et de bons soldats, la chiourme des galères se composant surtout de forçats (condamnés à la galère) et d'esclaves (chrétiens d'un côté, musulmans de l'autre). Ensuite il faut vivres et munitions, mais ça va encore. Une fois l'ancre levée, les pilotes ont intérêt à ne pas se tromper, car la navigation se fait le moins possible loin des côtes, et on s'abrite du mauvais temps dès que l'on peut. On s'entasse sur les galères, parfois à plus de trois cents hommes, vu les conditions de vie les maladies, surtout le typhus, font des ravages terribles. Dès que l'on fait relâche, la désertion guette. Et si ce n'était que cela, mais comment trouver la flotte ennemie ?
On envoie des navires en éclaireurs, on questionne les pêcheurs, les ports, on se renseigne auprès de victimes de razzia, bref, on tâtonne. Alors dans ce cas, pourquoi se presser ? Se hâter, c'est bien souvent s'exposer au mauvais temps ou tomber dans un piège. Comme bien souvent, les deux flottes se savaient proches mais cela ne les empêcha pas d'être surprises quand elles tombèrent nez à nez. Alors vient le moment délicat de se mettre en ordre de bataille selon le plan prévu, et une fois la bataille commencée, le plan vole généralement en éclat.
Pour faire simple, disons que chaque flotte oppose un centre et deux ailes à l'ennemi, se constituant donc en trois escadres. Les Ailes essayent de déborder l'ennemi, le centre de tenir. L'aile côté terre à la tâche la plus facile, alors que celle donnant sur le large doit mieux évaluer les distances. On cherche les navires amiraux (la capitane comme on dit), on se tire dessus au canon mais on cherche surtout l'abordage, où pleuvent flèches, balles et pot à feu. Quand deux navires s'affrontent, les autres accourent pour soutenir le bon camp, on s'agglutine, on se saigne.
L'aile gauche et le centre chrétien furent imprenables mais l'aile droite aurait été détruite sans le secours de la réserve. L'avantage d'un plus grand nombre d'arquebuses, de meilleurs protections personnelles et de gros canons (sur les galéasses) fut décisif pour les Chrétiens, face à des Turques très bon marins, dotés des redoutables janissaires, mais armés surtout d'arcs, peu protégés, et qui après six mois de campagne en mer n'étaient plus très frais. La bataille de Lépante fut une victoire décisive pour la présence des flottes chrétiennes en Méditerranée, car une grande partie des hommes expérimentés du Sultan périrent. Remplacer des navires reste plus simple que de former des troupes d'élites. Cela arrêta net l'expansion turque en Méditerranée. La guerre de course allait néanmoins pouvoir reprendre de plus belle.
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