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Critique de Presence


Ce tome est le dernier d'une histoire complète en 3 tomes, initialement parue en 2012 au Japon. Il s'agit d'un manga, avec une lecture de droite à gauche, en noir & blanc. L'auteur est Atsushi Kaneko qui a tout réalisé : scénario, dessins et encrage. Il faut impérativement avoir commencé par le premier tome.

L'inspecteur Sata fait face à Kiwako Komiyama sur la même plage où elle l'avait semé. Il n'a pas le temps de l'interroger, car les scientifiques en costume apparaissent avec des intentions agressives vis-à-vis de Kiwako Komiyama. Ils fuient et se réfugient dans une station-service où ils sont vite repérés.

Par la suite Sata peut enfin parler avec Kiwako Komiyama. Au fur et à mesure de leur discussion, les événements lui reviennent peu à peu en mémoire. Puis une autre ellipse temporelle survient, et la situation de Keiji Sata évolue à nouveau, radicalement.

Dans ce genre de récit, l'attente du lecteur est énorme concernant les explications qui viendront donner un sens aux différents mystères exposés dans les 2 premiers tomes. Atsushi Kaneko conserve la même forme de narration : des séquences plus ou moins longues apportant leur lot de réponses, mais aussi de nouvelles questions. le lecteur poursuit sa délicate interprétation de ce qui lui est montré, essayant de distinguer ce qui forme un signal, au milieu du bruit narratif, tentant de repérer les motifs qui se répètent pour les assembler en un schéma cohérent.

À nouveau, l'auteur époustoufle par sa narration graphique. Les personnages sont tous immédiatement reconnaissables. Il s'avère compétent à la fois comme chef décorateur et comme costumier, avec un niveau élevé de détails. C'est un metteur en scène d'une grande maîtrise formelle. Il y a de nombreux passages dépourvus de texte qui se lisent avec une facilité et une évidence impressionnante. En fonction des séquences, il adapte sa manière de dessiner. Lors de la longue scène dans la casse pour automobiles (60 pages), il apporte moins de détails aux carcasses qui en deviennent plus conceptuelles, pour une course-poursuite intense parmi ces déchets de la société de consommation.

Atsushi Kaneko continue également de jouer avec les images pour créer des leitmotivs qui se répondent d'une séquence à une autre, parfois d'un tome à l'autre. Page 65, le lecteur retrouve un oeuf sur le plat, avec le cercle parfait du jaune dans la première case, puis avec le jaune qui coule, en lien avec un autre écoulement dans la case suivante. le lecteur, lui, fait le lien avec le petit déjeuner habituel de Keiji Sata, et peut y voir comme une obsession qui expliquerait son comportement violent avec l'écoulement d'un fluide qui rappelle l'écoulement du sang (ou qui n'explique rien du tout).

Durant ces derniers chapitres (environ 350 pages), l'auteur apporte donc une conclusion à son récit. Il répond à un certain nombre de questions, comme celle de la provenance du morceau fiché dans le cerveau de Sata. Il en laisse de nombreuses autres en suspens, telle que celle de la réalité du troupeau de scientifiques avec leurs baguettes électromagnétiques. le lecteur ressort donc de ce troisième tome avec de nombreuses questions sans réponse. Il en déduit que l'intention du lecteur était d'une nature différente qu'un simple thriller avec des mystères.

Le tome précédent se terminait avec la conviction que l'état de Keiji Sata était à la fois lié à la présence d'un corps étranger dans son cerveau, mais aussi à son comportement psychologique consistant à refouler et enfouir les traumatismes. Dans ce tome, le lecteur est encore plus désemparé car l'auteur empile les versions de la réalité, qui sont contradictoires et exclusives l'une de l'autre. le lecteur peut tout aussi bien se raccrocher à une interprétation de type science-fiction faisant intervenir les théories de Nikola Tesla, qu'à une interprétation psychanalytique voyant en Sata un individu souffrant de troubles de la personnalité.

Que reste-t-il alors de ces 3 tomes ? Il reste une reconstitution très séduisante d'une station balnéaire japonaise en 1967, baignant dans une atmosphère de polar bien poisseux, avec une corruption généralisée, et un personnage qui se bat malgré ses pertes de mémoire. Il reste un thriller qui prend aux tripes, racontant l'obsession d'un inspecteur pour une meurtrière qui a découpé son mari en morceaux. Il reste une série d'hallucinations et de bizarreries déstabilisantes qui mettent le lecteur mal à l'aise, le faisant douter de ses sens (de ce qu'il a lu), comme Sata doute de ses sens et de ce qu'il a fait ou non. Il reste donc un questionnement sur la nature de la réalité tel que l'être humain la perçoit au travers de ses 5 sens, sur la dimension arbitraire de la représentation mentale que l'individu se fait de la réalité.

Il reste aussi une sensation d'inachevée, parce que trop de questions et de bizarreries restent sans explication. Certes la vie de tous les jours n'apporte pas toutes les réponses, et le voyage est plus important que la destination. Cependant le lecteur aurait bien aimé avoir un indice sur le sens du pullulement des fourmis, ou sur la mystérieuse Soeur Miranda que Kishi voulait rejoindre. le lecteur peut accepter que le doute sur la réalité des actes de Keiji Sata demeure, mais pourquoi des fourmis ?
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