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Critique de lanard


Après les Lettres d'Angleterre, Les éditions La Baconnière publient Lettres d'Italie, le tout premier récit de voyage que Karel Capek ait publié. C'est lors d'un congé sabbatique (en 1923 il venait de démissionner d'un poste de dramaturge dans un théâtre) qu'il entreprend ce voyage dont la première relation a paru en feuilleton. Si avant ces Lettres d'Italie vous aviez lu les Lettres d'Angleterre dans lesquelles Capek vous régale d'un humour en parfaite harmonie avec son sujet d'observation, vous vous attendrez avec ce voyage au pays de Michelangelo et de Pirandello à la réjouissante alacrité d'un Lawrence Sterne dans le Voyage sentimental.
Or l'Italie où Capek a voyagé est un pays qui vient d'entrer sur la voie du fascisme. Il évoque très peu celui-ci mais on se demande si à travers le dénigrement de l'esprit baroque qu'il reprend tout le long du récit, ce ne sont pas les rodomontades fascistes qui sont visées.

Ces lettres composent une vision binoculaire de l'Italie dont la profondeur est donnée par le décalage entre la très grande érudition de l'auteur et la culture convenue du Beadecker qu'il semble n'avoir jamais lâché durant son séjour.

On ne sait pas trop la confiance qu'il faut donner au paragraphe liminaire de l'introduction ; "Avant mon départ, de bons amis m'avaient envoyé de gros livres sur l'histoire italienne, la Rome antique, l'art en général et d'autres sujets, en me conseillant vivement de tout lire. Je n'en ai rien fait, malheureusement, et ce petit livre est le résultat de ma négligence." S'il n'en a rien lu c'est probablement qu'il était déjà bien trop versé dans tous ces sujets là. Car ses pérégrinations italiennes sont truffées d'histoire de l'art jusqu'à saturation. Et il en semble lui-même le premier agacé.

Par ailleurs, il ne fait pas de doute qu'un esprit aussi prévenu contre les idéologies, qu'un homme qui avait anticipé très tôt les dérives tant nazies que communistes, avait bien identifié la nature du nouveau régime italien. En moquer les outrances lui eût été facile. Il trouva plus fin d'en esquisser une généalogie à travers une réinterprétation non conventionnelle de l'histoire de l'art.

En effet, Karel Capek développe une conception personnelle du baroque en assumant l'anachronisme qui le lui fait remonter à la Rome des Césars : pour lui, le gigantisme du Colisée relève du baroque au même titre que la pompe catholique de la Contre-Réforme. Admirateur enthousiaste de Giotto, Karel Capek s'agace du génie d'un Michelangelo dont il admire la maîtrise artistique aboutie tout en étant navré de ses démonstrations de force.

À ce baroque, perversion d'un art asservi au pouvoir des Princes, Karel Capek oppose un art contemplatif et humble; un art populaire dont il fait remonter la généalogie aux étrusques qu'il oppose aux Romains.
Il y a dans ce livre comme un échos inversé aux Regrets de du Bellay ; car quand celui-ci regrette la grandeur déchue d'une romanité fantasmée, l'autre s'éfare des fantasmes d'un pouvoir dont l'âpreté prend le masque populiste de la vertu. Au fantasme de la grandeur Antique, Karel Capek oppose la simplicité rustique et à ceux qui ne retiennent des siècles qui la suivirent que l'obscurantisme borné qu'on leur prête il affirme (p.94): "Et croyez-moi, nous ne comprendrons jamais la disparition de l'Antiquité superbe, tant que nous ne trouverons pas assez de vertus dans la simplicité de l'époque qui l'a dépassée."
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