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Critique de SBys


SBys
17 février 2019
Avec Suspicious river, j'en suis à mon deuxième livre de Laura Kasischke. Si, dès le premier (Esprit d'hiver), j'avais repéré le style particulier de l'auteur, le calme désarmant, l'atmosphère mystérieuse et progressivement insupportable, dès le deuxième, j'ai pu repérer leur mécanique implacable, une machine méticuleusement réglée.

Il y a un fond mystérieux, calme, souvent froid avec de la neige, blanche et immobile. le temps semble souvent arrêté, ou s'écouler très lentement, avec douceur. Tout semble parfait, immaculé, mais en raison de la vitesse presque arrêtée, de quelques détails que Kasischke parsèment, des images inquiétantes, le malaise s'installe, et on sait qu'on ne voit pas tout, qu'il a quelque chose de grave qui s'est déjà passé ou qui va arriver. Ça n'arrive pas d'un coup, mais comme un long étranglement. Au début, on pense qu'il met ses mains pour nous caresser le cou, puis avec grâce, douceur, les doigts se referment lentement, dans une étreinte qui ne se desserre pas, un piège, où il est impossible de sortir.

Suspicious river. Déjà, le titre ! un air froid nous passe dans le dos, bourgade perdu au bout du lac Michigan, où il ne se passe rien, bien sûr ! le Swan hotel. Pour qui a déjà vu un cygne de près, avec son regard haineux, sait qu'il doit se tenir sur ses gardes. « Ce sont les maisons qui ont l'air le plus ordinaire qui le sont le moins.»

Il y a aussi la structure du livre, entrecroisant trois moments de la vie de la narratrice, Leila Murray. le présent, à partir du moment où Leila commence à coucher pour de l'argent, au Swan Hotel. Il a le moment où elle est très jeune, entre 5 et 7 ans, où elle surprend sa mère avec son amant, le frère de son père. Et un troisième moment, lorsqu'elle a autour de 17 ans, qu'elle rencontre Rick, et qu'elle doit se faire avorter. Comme des petites roches sur le chemin, nous apprendrons que ce n'était pas tout, la situation était pire que ça, bien pire. Au fur et à mesure des pages, on comprend. Ceci explique cela. Mais on ne sait pas à quel moment cela va s'arrêter.

Il faut imaginer un film au ralenti. Image par image. Un lièvre blanc qui galope dans la neige. C'est beau, élégant, gracieux. le mouvement au ralenti, les pattes qui se touchent au milieu du ventre, les oreilles qui volent au vent, imperceptiblement. Pourquoi voir un lièvre au ralentit, soudainement on comprend, le piège, au milieu de la piste. On voit tout ça au ralenti. le moment où la tête du lièvre passe dans le collet, le moment où le mouvement vers l'avant se stoppe, le moment où les pattes de derrière passent celles de devant. le retour du balancier. On perçoit la peur dans ses yeux, comme ceux d'un enfant. On voit le lièvre se débattre à une vitesse inattendue pour un ralenti. La douleur. Puis le mouvement s'arrête. Tout retrouve son calme. Comme dans un rêve. Un cauchemar qui devient léger comme un rêve.
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