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Critique de jcjc352



« Et veuillez éviter, je vous prie, les taquineries de mauvais goût... » phrase étonnante en exergue qui ne donne pas vraiment le ton de l'ouvrage car celui-ci parle d'une maison de plaisirs japonaise. On pourrai croire dans cet ouvrage que les vieux japonais sont facétieux (et pourquoi pas?) mais on y parle de prostitution de jeunes femmes qui sont endormies pour le plaisir des vieillards qui , au crépuscule de la vie, viennent y chercher leurs dernières voluptés

Sujet scabreux qui aujourd'hui ne pourrait pas être traité comme Kawabata l'a fait car il est bel et bien question de prostitution puisque la nuit passée auprès de jeunes femmes fortement droguées fait l'objet d'un prix et que l'hôtesse a tout d'une maquignonne
Au-delà de la prostitution Kawabata disserte surtout sur la beauté , ici celle féminine , femme vue comme une oeuvre d'art (ou comme une love doll dirait-on aujourd'hui) avec parfums, fragrance, attitude, mimique, femme idéale par excellence japonaise
Il aborde aussi le vieillissement et la décrépitude du corps vécu comme un déshonneur par l'homme viril et en général de l'être humain ce qui est très japonais et le désenchantement du vieillard juste avant la mort
les réminiscences du passé des odeurs, des choses que l'on a aimé et des amours mortes

Dans un style très froid et très pur Kawabata réussit à créer de l'émotion sur un sujet qui n'est pas facile à l'époque (Eguchi s'interroge fréquemment et cherche des justifications) et surtout aujourd'hui et il le fait tout en nuances

Des impressions fugaces qui donnent un aspect poétique et qui crée une ambiance ensorcelante malgré soi,
intemporelle et atemporelle à la fois On n'est pas dans un bordel mais au paradis en apesanteur

« Jusque dans son sommeil cette fille était capable d'échanger des devis amoureux rien qu'au moyen de ses orteil »
Kawabata jongle entre l'idéal du vieillard pathétique qui vient chercher réconfort et aussi quelque chose d'impalpable les restes de sa vie : ses souvenirs et la réalité plus sordide de la condition des jeunes femmes prostituées
Il joue aussi en arrière fond sur la notion de moralité notamment avec les questionnements d'Eguchi qui sont dérangeants à bien des égards car ce sont des services sexuels dont il est question Sur l'ensemble de l'ouvrage on peut penser qu'il s'agit d'un choix des belles endormies et donc comme elles sont jeunes mais pubères que peut-on en dire ? Mais en fait on s'aperçoit qu'il n'en est rien et que derrière ce commerce lucratif il y a un patron. C'est bien un réseau de prostitution, le statut des prostituées n'a rien d'enviable et le paradis des vieillards peut vite devenir un enfer pour eux-mêmes et surtout les esclaves sexuelles.
Le lecteur est donc a cheval sur deux sentiments contradictoires l'admiration pour la poésie de l'aspect traditionnel des plaisirs raffinés de l'extrême orient et l'aversion pour le commerce sordide de prostitution. Curieux mélange, pourtant délicat et mené de main de maître par Kawabata , surtout si on pense que ce livre a été écrit il y a soixante ans

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