AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Marc129


Il est très facile de voir ce livre comme le fruit d'un esprit perverti. En effet, ce petit roman-titre n'est apparemment rien de plus que l'histoire troublante d'un vieil homme qui fréquente un bordel où il est autorisé à coucher avec des filles nues et engourdies, toutes vierges. Il peut les toucher, mais pas plus que cela. Soyons honnêtes, cela stimule l'imagination, aussi maladive soit-elle. D'ailleurs, Kawabata ne recule pas devant l'ambiguïté morale: il fait réfléchir son protagoniste presque impuissant, le vieil Eguchi, au caractère morbide de son comportement.

Mais je ne pense pas que ce soit l'idée maîtresse de cette histoire. Kawabata laisse le vieil homme décrire avec précision toutes ses observations et sensations nocturnes, les formes attirantes des filles, la lumière qui tombe sur leur peau, la chaleur ou la fraîcheur de leur corps, les sons et les mouvements qu'elles font dans leur sommeil engourdi, etc. . À Eguchi, en outre, cela réveille de nombreux souvenirs d'amoureux d'enfance, de maîtresses, de propres filles, et cela déclenche également un train de rêveries sur ce qui a été et ce qui aurait pu être, afin de - inévitablement - finir par des réflexions sur le mort imminente, la sienne ou celle de la fille (parce que va-t-elle jamais se réveiller?). Apparemment, il y a encore assez de pouvoir érotique chez le vieil homme pour fantasmer sur ce qu'il pourrait faire avec les filles et quelles pourraient en être les conséquences. Les pensées du vieillard oscillent entre observations instantanées, souvenirs, désirs et actions et événements possibles, bref «la vie» avec tous ses caractères éphémères et opaques.

Alors, il me semble qu'il faut lire cette histoire avant tout comme une allégorie, où les filles engourdies ne sont que des métaphores instrumentales de la vie elle-même, contre lesquelles on se blottit, qu'on essaie de manipuler, avec lesquelles on peut atteindre des sommets extatiques et profondeurs misérables, qui nous interpellent et en même temps restent inaccessibles. Je sais, c'est toujours pervers et dérangeant ce que Kawabata offre ici. Mais en même temps, cette histoire est d'une profondeur et d'une beauté sans précédent.
Commenter  J’apprécie          103



Ont apprécié cette critique (10)voir plus




{* *}