AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
>

Critique de Marcellina


Et encore un coup de coeur et pourtant l'histoire est plutôt triste comme c'est malheureusement souvent le cas des histoires vraies.

Oui, la vie n'est pas un long fleuve tranquille, et c'est d'autant plus vrai quand on découvre d'une façon pour le moins expéditive qu'on est porteur sain de la typhoïde sans jamais avoir été malade. Et là, la vie est totalement bouleversée, cuisinière elle était pour son plaisir et celui des autres chez qui elle travaillait, blanchisseuse elle sera pour un temps sans la joie des sensations éprouvées lors de la préparation de mets délicieux, juste les mains en sang de les avoir trop longtemps laisser tremper. Ce n'est qu'un entracte dans la vie de Mary, Mary Mallon de son vrai nom qui passera 27 ans de sa vie en quarantaine sur l'île de North Brother Island, département du Bronx, où elle décédera le 11 novembre 1938.

« Le travail était aussi ennuyeux que le souvenir qu'elle en avait gardé, dépouillé de la magie qui auréolait la cuisine. Alors qu'un couteau et un peu de beurre dans une poêle lui suffisaient pour métamorphoser quelques vilaines petites patates ordinaires en un plat merveilleux, la blanchisserie n'offrait aucune possibilité de transformation. »

De ce qu'elle sait, elle a toujours connu la typhoïde, de sa plus tendre enfance en Irlande à sa première arrestation par Georges Soper, spécialiste des épidémies qui la pistera comme un chien traque un gibier en suivant le chemin des épidémies de typhoïde dans la région de New York. Un sacré enquêteur mais un piètre être humain qui ne peut imaginer que Mary ne réalise pas qu'elle est l'origine des différentes épidémies et du coup, la traite d'une manière assez ignoble en l'arrêtant manu militari. Après avoir fait quelques tests sur elle à l'hôpital, il la transfère sur North Brother Island pour être définitivement mise à l'écart et continue sa traque sanitaire sans imaginer que Mary va essayer de se défendre pour sortir de son isolement infâme.

Un procès il y aura, qu'elle gagnera en même temps qu'une certaine célébrité. Enfin, la liberté retrouvée mais à quel prix, le prix de sa joie, le prix de son métier, trop à risque pour la typhoïde même si beaucoup de précautions sont prises. Elle tiendra le coup un temps et retournera aux fourneaux et à la quarantaine, à vie cette fois. Une histoire qui m'a troublée, je savais que les lépreux étaient parqués, que les gens atteints de la variole étaient mis en quarantaine, que les tuberculeux se retrouvaient dans des sanatoriums, mais ici, la 'fautive' n'est pas malade et pourtant, elle porte la mort en elle sans le savoir, sans jamais comprendre exactement le geste de la faucille car si elle est responsable de la mort de trois personnes, tellement d'autres sont restées vivantes.

« Avec son petit bout de terrain, North Brother était un gigantesque radeau pétri de boue et d'herbe, où les mourants venaient attendre leur tour. »

L'auteure ne se contente pas de retracer la vie surprenante et douloureuse de Mary Typhoïde, elle intègre aussi les faits divers de l'époque. Ainsi, l'échouage du General Slocum sur l'île de North Brother Island le 15 juin 1904 causant la mort de plus de 1000 personnes ; l'incendie de l'usine Triangle Shirtwaist à New York, l'un des plus meurtriers avant l'attentat du 11 septembre, 146 morts principalement des femmes jeunes ; la cure d'Oppenheimer, 1905, qui combat l'alcoolisme avec de la quinine et enfin, la façon de traiter les grands brûlés avec de la morphine bien sûr mais aussi de l'héroïne qui fait des brûlés des camés.

Très bien écrit, super bien documenté, ce roman m'a chamboulé. Déjà, je ne savais pas du tout qu'on pouvait être porteur sain de la typhoïde et Mary Mallon a été la première identifiée dans le monde. Une pestiférée à qui on n'a pas tout expliqué et qu'on a juste condamné à vie.
Commenter  J’apprécie          274



Ont apprécié cette critique (25)voir plus




{* *}