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Critique de Presence


Ce tome regroupe les épisodes 23 à 34 de la série mensuelle, parus en 2012/2013. Il s'agit d'une histoire complète et indépendante de toute autre (contrairement à ce que cette numérotation pourrait laisser penser), scénarisée par Joe Keatinge, et principalement dessinée par Ross Campbell.

Sur la planète Thule, 2 races se combattent. Gloriana Demeter (surnommée Glory) naît de l'union des chefs de ces 2 races. Arrivée à l'âge adulte, elle se rend sur Terre pour aider la race humaine dans son développement ; elle y arrive pendant la seconde guerre mondiale. de nos jours, Glory semble avoir disparu de la surface de la planète. Mais Riley Barnes (une jeune femme) rêve d'elle chaque nuit depuis son enfance. Elle a décidé de se mettre à sa recherche pour retrouver une tranquillité d'esprit. le dernier indice qu'elle a trouvé l'amène à se rendre au Mont saint Michel, à la brasserie Mornet. Sur place elle est accueillie par Fabrice (un homme d'une cinquantaine d'années) qui la présente à Gloria une serveuse de la brasserie. Celle-ci l'amène jusqu'à Glory qui se remet d'importantes blessures. Tout peut commencer. Riley Barnes a mis les pieds au milieu d'un conflit destructeur annoncé par une prophétie impliquant Glorianna. Les retrouvailles avec Nanaja (sa soeur) puis avec ses parents (Lord Silverfall & Lady Demeter) vont être apocalyptiques.

Glory est un personnage inventé par Rob Liefeld en 1993 qui s'est librement inspiré de Wonder Woman pour créer une princesse guerrière. Ce personnage a connu son quart d'heure de gloire quand Alan Moore a écrit 3 épisodes de sa série, et puis elle a complètement disparu pendant 12 ans, ainsi que tout le reste du catalogue de Liefeld. En 2012, profitant d'un regain de popularité personnelle, il a relancé quelques personnages dont Glory. La lecture de ces 12 épisodes (continuant l'ancienne numérotation) montre qu'en tant que propriétaire des droits, il a laissé une liberté totale aux créateurs.

Joe Keatinge reprend donc le point de départ : une princesse guerrière dont les origines diffèrent sensiblement de celles de Wonder Woman (pas de poupée d'argile ou de parenté avec Zeus). Il lui associe 2 personnages secondaires féminins (Riley et Gloria) et il reprend le principe des parents issus de 2 races antagonistes. Comme le laisse supposer la couverture, Glory est une guerrière qui ne s'en laisse pas conter. Il établit rapidement un lien avec Supreme (l'équivalent de Superman dans l'univers partagé de Liefeld, voir L'âge d'or par Alan Moore), et c'est parti pour la découverte de ce personnage. Keatinge incorpore plusieurs éléments qui font ressortir cette série par rapport à la production habituelle de superhéros. Pour commencer, il a osé situer l'action en France, qui plus est dans un endroit touristique mais vraisemblablement peu connu des américains.

La deuxième particularité de sa narration est que Glory est surtout vue de l'extérieur par Riley Barnes qui la découvre. Ce dispositif permet au lecteur de se familiariser en même temps qu'elle avec le personnage principal qui conserve ainsi une grande part d'inconnu. Keatinge bâtit un récit équilibré entre affrontements très violents et incertitudes sur la nature de Glory. Il développe les actions de Glory sur la base de la dichotomie de ses origines, entre Lady Demeter (sa mère) et Lord Silverfall (son père), tout en montrant qu'elle est unique.

Dans la deuxième moitié du récit, Keatinge abandonne les références à Wonder Woman pour résoudre son intrigue dans laquelle Glory apparaît comme un personnage qui ne doit rien à un autre. Keatinge évite tous les écueils découlant d'un personnage féminin décrit comme une guerrière. Il n'y a pas de pitié ou d'hésitation à attendre de Glory, ou de compassion altruiste et artificielle. Elle a été élevée comme une guerrière, c'est une experte dans l'art du combat et elle a un corps d'une puissance phénoménale. Keatinge arrive à lui insuffler une personnalité réelle, dénuée de toute mièvrerie. Il refuse l'hypocrisie et montre clairement que Glory a eu une vie sexuelle qui n'est pas terminée. Ross Campbell lui donne une poitrine cohérente avec sa musculature, proche de celle des culturistes, et il la dessine même une fois nue de face (oui, ses poils pubiens aussi sont blancs).

Ross Campbell dessine l'intégralité des épisodes 23 à 29, 33 et 34, la majeure partie de l'épisode 30 (3 pages dessinées par Roman Muradov), 12 pages de l'épisode 31 (les 8 autres pages sont dessinées par Ulises Farinas), 10 pages de l'épisode 32 (+ 2 pages par Owen Gieni, 2 pages par Emi Lenox, 2 pages par Greg Hinkle, 2 pages par Sloane Leong et 2 pages par Jed Dougherty).

La mise en couleurs d'Owen Gieni assure une cohérence visuelle, quel que soit le dessinateur, et complète discrètement les dessins de Ross Campbell, faisant totalement oublier au lecteur qu'il contemple parfois un simple buste du personnage en train de parler. Campbell est très impressionnant dans son approche graphique qui refuse de se plier aux diktats des superhéros. Il n'utilise aucun stéréotype visuel propre à ce genre de récit. Glory est massive, avec un corps de culturiste avec tout ce que cela peut avoir de choquant sur le plan esthétique. Sa soeur est filiforme avec des expressions cruelles et sauvages.

Lorsque le scénario implique des éléments réalistes, Campbell fait preuve d'un sens du détail inattendu, tel ce modèle de chaises dans la maison de banlieue à Buc. Il varie la morphologie des personnages qui n'ont pas tous des corps de mannequin (même des femmes bien en chair, tout en restant séduisantes et chaleureuses). À l'autre extrémité des corps, il y a la forme à la musculature impossible de Glory quand elle a perdu sa maîtrise qui est proprement monstrueuse, sans plus rien de séduisant ou de racoleur. Les scènes de dialogue bénéficient d'une vraie mise en scène qui les rend visuellement intéressantes. Les scènes de combats sont d'une grande violence, là encore originales. Campbell pousse la conscience professionnelle jusqu'à dessiner une double page remplie jusqu'au bord avec des superhéros issus d'Extreme Studios (branche de Rob Liefeld chez Image Comics) comprenant une quarantaine de ces superhéros (de Shaft à Badrock, en passant par Kodiak et Troll, et même les NewMen). D'une manière inattendue, lors de la scène dans l'autre monde, le scénario et les dessins semblent à l'unisson pour rendre un hommage au monde la gemme de l'âme, telle que créée par Jim Starlin dans Warlock (VO).

La participation des autres dessinateurs n'apportent pas une amélioration sensible, mais elle ne dénature pas la narration. Il convient de mettre en avant les 3 superbes pages pleines de saveur, réalisées par Roman Muradov pour un pastiche d'une aventure de Fantomas.

L'histoire se termine par un clin d'oeil à l'autre série "Rob Liefeld" relancée en même temps : John Prophet. Keatinge et Campbell auront donc également intégré des références aux autres superhéros de Liefeld (de Supreme à Youngblood, en passant par Bloodstrike).

En 12 épisodes, Joe Keatinge et Ross Cambell ont raconté une histoire originale, à la fois unique et indépendante, mais aussi démarrant comme un hommage à Wonder Woman, tout en s'éloignant rapidement de cette référence. L'intrigue comprend plusieurs morceaux de bravoure et un niveau de violence élevé, pour déboucher sur une résolution claire et nette. Les dessins montrent des personnages à l'apparence unique. Malgré tout, une fois la dernière page lue, le lecteur pourra regretter la psychologie un peu facile de Glory et compagnie, et une intrigue faisant la part belle à l'action, parfois aux dépends des personnages.
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