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Critique de 1001histoires


Stéphane Keller est passé maître dans les récits d'attentats. J'avais été enthousiasmé par son excellent « Rouge parallèle » paru en 2018. La préparation, l'action, les conséquences d'un des plus fameux attentats, tout y était crédible, un vrai polar historique. Il récidive de la plus belle des manières avec « Mourir en mai » où tout se mêle, Histoire et fiction, politique et géopolitique, polar et espionnage.

Avril et mai 1945, la Seconde Guerre mondiale est à peine terminée et les pièces du puzzle mondial s'assemblent. de Gaule entame la reconstruction de la France et le rassemblement des français, l'hégémonie du communisme soviétique rebat les cartes des relations mondiales, les USA changent de président.

Les personnages historiques qui comptent à cette époque sont bien présents, l'auteur en dresse des portraits approfondis. De Gaulle avec Roger Wybot le tout nouveau directeur de la DST qui a remplacé le BCRA du temps de guerre. Jean Monnet va jeter les bases de la reconstruction de la France à travers le Commissariat au plan du Gouvernement provisoire mais De Gaulle l'estime trop pro-américain. Aux Etats-Unis le Président Roosevelt meurt le 12 avril 1945, avant que le vice-président Harry Truman lui succède officiellement, Harry Hopkins, conseiller spécial du défunt va assurer le lien avec son successeur. Les dirigeants changent, l'OSS, Office of Strategic Services, du temps de guerre va être réorganisé mais les missions demeurent pour les services secrets et il y en a une que Harry Hopkins, conseiller spécial du Président des USA, veut voir menée à bien et c'est William Joseph Donovan le grand patron de l'OSS qui est chargé de cet attentat pour que le monde se porte mieux.

Bien d'autres personnalités historiques jalonnent ce roman et j'ai trouvé que cela apportait de la véracité au récit qui dresse également un état lucide de la situation en France. Avant la reconstruction il faut organiser des élections avec un Parti communiste très fort et influent mais peut-être infiltré par des agents de Moscou. Un important contingent militaire américain stationne sur le territoire français. En Algérie française, des velléités d'indépendance sont réprimées par la force armée, pas question d'abandonner les départements algériens où on commence à parler de pétrole dans le désert. Dans ce contexte, tout le monde espionne tout le monde et Donovan avance ses pions.

En avril 1945, les combats se poursuivent, des lambeaux d'armée allemande face à l'ogre soviétiques, quelques français de la Waffen Grenadier Division der SS Charlemagne face à l'Armée Rouge. Dans les ruines de Berlin il y a un sinistre personnage bien réel, le français Henri Fenet. Mais l'auteur va s'attacher à suivre deux personnages fictifs, deux combattants de la Charlemagne. Début mai 1945 tout se termine, Paul-Henri de la Salles et son compère Uturria fuient vers l'ouest. Les hommes de Donovan vont les recruter dans un camp de prisonnier. de la Salles et Uturria n'ont rien à perdre, ils acceptent de commettre l'attentat. A Paris de Gaule et Wybot chargent le lieutenant Michel Lestienne des FAFL d'espionner Jean Monnet, Lestienne pourrait pourtant avoir gardé des contacts avec les soviétiques car c'est un ancien du Normandie-Niémen. le scénario est habilement mis en place, de manière aussi crédible qu'instructive.

L'attentat se prépare, entraînement pour de la Salles et Uturria, anticipation de la suite de l'attentat. Organiser la fuite des tireurs, impliquer celui qui fera un coupable idéal. Stéphane Keller n'a pas son pareil pour imaginer et raconter ces épisodes faits d'action, de suspense et de rebondissements. Après l'attentat, place à l'enquête, avec la guerre des polices et les rivalités entre services secrets français, la crim' de Paris et le flic de province obstiné et perspicace qui bénéficie de la chance du plus curieux. le récit devient un polar efficace.

La fiction prend le dessus mais tout est implacablement logique. Des têtes doivent tomber dans l'administration, suivent l'identification d'un bouc émissaire pour rassurer les politiques et un procès expéditif. Puis des manifs, la répression, l'état d'urgence, les gros titres de la presse qui attisent la violence. le lecteur n'est pas au bout de ses surprises, le récit de Stéphane Keller devient uchronie.

J'ai avalé les 420 page de ce roman en un temps record tellement la lecture est facile et fluide. Avec juste ce qu'il faut de détails pour comprendre, avec les références historiques pour crédibiliser le scénario et avec les indications chronologiques et géographiques pour ne pas se perdre. Stéphane Keller réussit un triple récit, historique, espionnage et polar, à ne manquer sous aucun prétexte, d'autant plus que la partie uchronie incite à s'interroger pour mieux comprendre la France telle qu'elle est réellement et apprécier ceux qui l'ont fait ainsi.

Stéphane KELLERMourir en mai. Parution le 25 avril 2023, Éditions du Toucan NOIR. ISBN 9 782810 011629 .

Merci aux Éditions du Toucan et Artilleur.
Lien : http://mille-et-une-feuilles..
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