A la manière de l'ouvrage d'art qui lentement surgit du néant pour s'édifier sous nos yeux, le roman de Maylis de
KERANGAL se construit au fil des trois cent dix-sept pages qui le constituent.
Jouant avec les multiples personnages qui l'habitent comme autant de corps de métier intervenant dans l'élaboration de l'infrastructure, les creusant, les effeuillant au fil des pages, l'auteur réussit ici une vraie performance : insuffler le souffle de vie à des individus nés de la glèbe, lentement les modeler, puis les regarder vivre, travailler, s'aimer et mourir.
Ecrit dans une langue à la fois brute et pourtant semblant polie cent fois,
Naissance d'un pont compose un tableau abstrait, où couleurs et formes sont indécises, presque hésitantes, comme le sont les temps verbaux du récit, qui font s'entrelacer passé et futur, présent et imparfait, tandis que le pronom indéfini « on » contribue à noyer l'ensemble dans une brume imprécise.
Cela produit finalement un bel ouvrage, que l'on contemple comme tel : admiratif, conscient du travail, mais qui laisse un peu froid.
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