Au pays de : « Ce livre part d'une ambition à la fois simple et folle : raconter la construction d'un pont suspendu quelque part dans une Californie imaginaire à partir des destins croisés d'une dizaine d'hommes et femmes, tous employés du gigantesque chantier. »
À la lecture d'un précédent livre de Maylis de
Kerangal, j'avais été fatiguée, submergée, épuisée par la puissance des mots au service des émotions. Il y avait une urgence d'écrire à laquelle l'urgence de lire du lecteur répondait exactement. Mot à mot, coeur à coeur, auteure, lecteur en synergie, écrire, lire, ressentir. C'était
Réparer les vivants.
J'avais hâte de lire autre chose de la même auteure. Non pas tant pour savoir si le charme opérerait de nouveau, mais pour découvrir le style, le vrai — si tant est qu'il puisse en exister un —
Kerangal.
Réparer les vivants était un exercice au service d'un récit ramassé, dur, violent, vital. Comment Maylis de
Kerangal pourrait-elle écrire autre chose ?
Lutter contre les éléments
Je saute à deux pieds, deux mains, deux yeux dans
Naissance d'un pont. Aux premières lignes, je me noie. Les matériaux déversés illégalement dans le fleuve que ce pont traverse me charrient vers le fond. Je dois m'accrocher à tout ce qui dépasse — majuscules, virgules, tirets —, je relis chaque phrase, me débats pour revenir en arrière, mais le flot ininterrompu m'emporte. L'eau est crasse, non filtrée. le courant est puissant, sait où il va.
Alors, à la faveur d'un coude dans le lit de la rivière, je sors la tête de l'eau. Respire, me concentre, comprends le tempo de l'eau et des mots, et y cale mon souffle.
Au-delà du style que je connais donc déjà, la narration est ambitieuse. C'est un roman choral. Au lecteur de comprendre et de suivre la partition. L'eau n'attend pas. [...]
Lien :
https://www.startingbooks.com