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Critique de Sio


Sio
29 septembre 2012
Des fleurs pour Algernon est un roman qui a fait date dans l'histoire de la science-fiction. Loin des uchronies, des space opera, et des guerres intergalactiques, Daniel Keyes propose un roman de science-fiction plus psychologique, si l'on peut dire. Et c'est un roman qui prend aux tripes. On y suit l'histoire de Charlie, jeune homme d'une trentaine d'années, arriéré mental, mais animé d'une insatiable soif de connaissances et d'apprentissage.
En raison de cette volonté d'apprendre, l'équipe d'un laboratoire lui propose de participer à une expérience révolutionnaire, qui lui permettra de devenir non pas intelligent, mais carrément génial. Après l'avoir testée sur une souris, les scientifiques sont sûrs de leur coup. Mais Charlie apprend tout à fait par hasard que les facultés d'Algernon, au bout de quelques mois, se mettent peu à peu à décliner. Ce qui ne présage rien de bon pour les siennes.

Une fois cela posé, tout s'accélère. Pris au piège par la fatalité et le temps, Charlie se débat et essaie d'en apprendre le plus possible sur le sujet. On assiste donc à la fois à l'ascension et au déclin de cet homme hors du commun, les deux se lisant dans l'écriture même du roman. Au départ, Charlie fait beaucoup de fautes, écrit en phonétique, coupe les mots de façon erronnée. Après l'opération, ses phrases s'allongent peu à peu, se complexifient, le vocabulaire s'enrichit et Charlie devient parfois difficile à suivre, pour le lecteur lambda moins intelligent que lui. En même temps, on assiste à l'ouverture au monde d'un homme qui n'en avait jusque-là pas totalement conscience et qui découvre et analyse beaucoup de choses. La difficile question de l'essence de l'humanité est posée, analysée, disséquée. L'humain n'est-il défini que par son intelligence, et l'abstraite série de chiffres qui détermine son quotient intellectuel?
Ainsi s'affrontent deux points de vues ; celui du scientifique, qui estime avoir "créé" Charlie de toute pièce grâce à son traitement, et celui de sa "création", Charlie, qui soutient -à raison- qu'il existait en tant qu'être humain avant l'opération. Coincé entre les points de vue des deux géants, le lecteur ne peut que s'interroger et tirer les conclusions qui s'imposent.
La question de la dérive scientifique, et de l'éthique de la recherche est, bien sûr, au centre du roman (et reste toujours d'actualité, d'ailleurs). Comme celle de la perception de soi que l'on a et celle des autres. Parce que, finalement, une fois que Charlie a dépassé des sommets d'intelligence, il devient cynique, antipathique et clairement condescendant avec les autres ; exactement comme l'étaient ceux qui se moquaient de lui avant son opération. Preuve, s'il en fallait une, que devenir intelligent ne rend pas moins con. le drame, là-dedans, c'est que Charlie en a parfaitement conscience, puisqu'il est capable de s'analyser, sans toutefois toujours pousser le raisonnement jusqu'au bout. Mais après tout, personne n'est parfait (et il n'existe pas non plus d'opération pour remédier à cet état de fait).
Cela étant, le roman n'est pas pour autant pessimiste ou défaitiste ; les constats sont posés, il ne reste qu'à tirer les enseignements et réfléchir par soi-même - ce à quoi incite parfaitement l'auteur.

Des fleurs pour Algernon n'est pas seulement un roman qui fait réfléchir ; il prend aux tripes, remue le lecteur jusqu'au plus profond de lui-même et le laisse pantelant à l'issue de sa lecture, les larmes aux yeux et l'âme au bord du naufrage. Difficile de ne pas apprécier ce roman dur, émouvant et splendide, mais empreint de dignité et d'humanité.

Lien : http://encres-et-calames.ove..
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