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Critique de Tastevin


Une enfance française

L'éditeur ne mentionne aucun genre littéraire auquel ce livre pourrait se rattacher. Ni autobiographie, ni souvenirs, ni essai. Une lectrice regrette l'absence de chronologie. Cela ne me gène pas. Au contraire, le récit rompt la monotonie d'une formule trop inscrite dans le temps. N'est pas Pagnol qui veut. J'y vois plutôt une manière de miscellanées c'est à dire un recueil de notes diverses.
Sur la forme, rien à redire. Madame Khelfa maîtrise la langue, son style se révèle alerte, la composition est aérée, le tout se lit avec plaisir.
Le fond, en revanche, prête à réserves. Accuser le colonialisme français d'être responsable du comportement violent et incestueux de son père ressort non seulement comme une absurdité mais, par surcroît, tel un jugement téméraire. Que le déracinement ait profondément perturbé son géniteur, cela se conçoit. Mais venir travailler en France fut son choix. Même avant Victor Schoelcher la France avait cessé de remplir les soutes de ses bateaux d'esclaves se contentant de maintenir aux Antilles un statut déjà pas mal adouci par Colbert puis par des réformes successives jusqu'à l'abolition pure et simple. Les médecins psychiatres qu'ils soient français ou d'autres nationalités ont quasiment tous considéré les écrits de Frantz Fanon comme des textes politiques et polémiques n'ayant que très peu de contenus scientifiques. Notons que la famille de Farida Khelfa a, d'emblée, bénéficié d'un logement H.L.M. Ces logements dès les années 70 comportaient des équipements (sanitaires, chauffage, ascenseur) qui faisaient pâlir d'envie bien des ménages vivant dans de vieux logements en centre ville, habitations dépourvues de chauffage hormis un conduit de cheminée et disposant de toilettes uniquement sur le palier. Je puis me permettre d'en témoigner. Ma femme et moi, lors de notre première installation, nous eûmes à vivre dans de vieux logements dégueulasses. Quant, après la naissance de notre troisième enfant, nous pûmes avoir accès à un logement H.L.M. quel changement ! Salle de bain, chauffage, insonorisation, W.C. privé, cuisine, salon. La famille Khelfa comportait 9 enfants ; je vous laisse imaginer toutes les prestations sociales. Farida, elle même, mentionne les cadeaux de la mairie pour Noël. A Villeurbanne où nous logions, malgré nos 4 enfants (car entre temps nous en avons eu un quatrième), nous n'avions rien de la mairie. le parcours de l'autrice témoigne de sa part d'un volonté d'acier et d'un courage hors norme. Servis, il faut le noter, par un physique particulièrement avantageux. Aurait-elle eu ailleurs une telle forme physique sans l'apport d'une alimentation et des soins quasi gratuits dispensés par notre société ? Et que dire de l'enseignement et de l'accès aux activités sportives comme éléments libérateurs? Notons toutefois que Mme Khelfa n'accuse pas la France de tous les mots. Elle se reconnaît parfaitement française. Ses origines non seulement n'ont pas entravé son ascension sociale mais l'ont avantagée dans le milieu de la mode avide de diversité. Elle note -et c'est toutefois exact- des discriminations à l'emploi pour les garçons. Mais pas pour les filles : lisez les noms de conseillères de clientèle et de chefs de service dans les banques et les assurances et vous rencontrerez de plus en plus de noms à consonance arabe. Preuve que notre société n'est ni  machiste ni raciste. Quant aux ressentiments des pieds-noirs (lire ses lignes concernant madame M…) je suppose qu'elle les comprend. Voilà des gens dont nombreux étaient modestes qui quittent leur terre natale avec plus rien et qui retrouvent en France des ressortissants du pays qui les jetés dehors. Et ces mêmes ressortissants sont bien logés et mieux payés, mieux soignés, mieux éduqués que dans leur pays d'origine.
Au final un livre instructif, bien rédigé, comportant moult réflexions intéressantes venant d'un regard neuf et très scrutateur sur notre société.
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