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Critique de saigneurdeguerre


Palais de Topkapi, Istanbul. Septembre 1682.

Le sultan Mehmed IV se réveille en sursaut ! Qui est cet homme qui s'est introduit dans sa chambre sans que ses gardes ne s'en aperçoivent ? Il apparaît et disparait à sa guise ? Est-ce un djinn ? Un bon ou un mauvais génie ? Comment diable sait-il que le sultan, qui rêve de conquêtes, prépare l'invasion du Saint-Empire et la chute de ce couard de Léopold de Habsbourg ?
L'individu prétend se présenter en ami et ce qu'il propose comme stratégie au sultan pour venir rapidement à bout de la résistance des princes chrétiens est tout bonnement révolutionnaire…

Paris. 2017.

Kamal va être honoré. Il ne sera pas le seul puisque son ami et coéquipier Taymour va l'être en même temps que lui. Comment ? Vous ignorez qui ils sont ? Mais de quel bled paumé de l'empire ottoman sortez-vous donc ? Kamal et Taymour ! Les deux héros qui ont mis un terme à un attentat terrible qui allait frapper Paris et bien des innocents ! Deux héros du peuple ! Ils ont arrêté un terroriste probablement lié à cette horrible organisation secrète, « La Rose blanche » !
Mais s'il éprouve la satisfaction du devoir accompli, Kamal qui est un membre de la police secrète foncièrement honnête (pas la police secrète, Kemal), ne peut s'empêcher de penser à son frère, à son neveu et à sa nièce… Mais surtout à sa belle-soeur, la splendide Nisrine. Depuis quelques temps, il est persona non grata chez eux. Pourquoi ? Parce que depuis l'arrivée au pouvoir du nouveau sultan, les arrestations et les interdits en tout genre se multiplient. Sa famille lui reproche de ne pas vouloir ouvrir les yeux sur les exactions commises par ce nouveau pouvoir. D'ailleurs, l'homme arrêté par les deux flics de choc est un ami de Nisrine. Il va être décapité en public comme l'exige la loi…



Critique :

Bienvenue dans cette uchronie où vous aurez du mal à reconnaître le Paris de nos jours ! Raymond Khoury nous entraîne dans une aventure romanesque avec de tels accents de vérité, passant de notre monde à un monde parallèle où l'empire ottoman, de nos jours, s'étend à pratiquement toute l'Europe, où l'on a une Amérique exclusivement blanche et chrétienne, un tzar qui gouverne toujours la Russie, grand défenseur des chrétiens orthodoxes, et j'en passe et des meilleures. Pour invraisemblable que puisse nous paraître l'histoire, tout est dans le talent de conteur de l'auteur. D'ailleurs conteur et menteur sont deux mots qui riment bien, non ?

Raymond Khoury, né au Liban, installé en Angleterre après avoir fui en 1984 la guerre dans son pays, a accompli des recherches remarquables pour rendre crédible « historiquement » son récit. Sa connaissance de l'histoire ottomane, mais aussi contemporaine, rend vraie cette uchronie qui est des plus réussies.

Sa description de l'Amérique, dans la bouche de Rachid, ancien membre de l'Etat Islamique, l'homme qui voyage dans le temps, est cinglante : « Les dirigeants américains étaient tous des menteurs, des tricheurs, des vendus. On entrait en politique par intérêt, pour se remplir les poches et pour se gaver de pouvoir. Les banquiers et les industriels finançaient les élus pour qu'ils les aident à s'enrichir encore plus pendant que les pauvres devenaient de plus en plus pauvres. Ce pays se vantait d'être un grand défenseur des droits de l'homme tout en soutenant de dangereux dictateurs et en poussant à leur perte d'autres pays au nom du profit. »

Son jugement est féroce et sans appel : « Un de leurs présidents les avait jetés dans une longue guerre désastreuse justifiée par des mensonges, et tout en le sachant ils l'ont réélu. »

Toujours dans la bouche de Rachid : « Ils se disaient chrétiens, mais il n'y avait rien de chrétien dans leur attitude. Leurs seuls dieux étaient l'argent, le sexe et les divertissements abrutissants. Rien ne les intéressait à part s'acheter une plus belle voiture, de plus gros seins, ou récolter plus de likes sur leur page Facebook : c'était pour ce genre de choses qu'ils vivaient, et pourtant ils avaient le toupet de nous mépriser et de critiquer notre mode de vie. Ces gros imbéciles paresseux se remplissaient la panse et l'esprit de cochonneries au point de faire de leur ignorance une fierté et une vertu. C'était cela, le comble de la démocratie : cette idée démente que les gens ignorants devaient avoir autant voix au chapitre que les gens éclairés. Que des votants mal informés étaient aussi légitimes que des votants dotés de la compétence de juger… »

Malgré les extraits qui précèdent, Raymond Khouri fait comprendre aux lecteurs qu'à défaut d'être parfaite, la démocratie est un bien meilleur choix qu'une dictature. Que cette dernière ne voit pas des hommes plus honnêtes diriger un état, s'il y en eut dans l'histoire, ils furent des exceptions, mais qu'au contraire, la dictature favorise l'arbitraire, la corruption et suscite des craintes qui poursuivent les gens jour et nuit. Et quand une dictature est de nature religieuse, rien ne semble pouvoir y mettre un terme puisque ceux qui détiennent le pouvoir sont les porte-paroles de Dieu. C'est aussi un empire qui restreint très fort les libertés de la masse de la population en multipliant les interdits religieux qui ne semblent pas affecter de la même manière les puissants avec qui Dieu semble se montrer bien clément !

Si les livres de six cents pages ne vous font pas peur, sachant qu'une fois plongé dans le récit les pages se tournent toutes seules, plongez dans « le Secret ottoman ».
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