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Critique de Dossier-de-l-Art


Le Velázquez de Guillaume Kientz prend toute sa résonance à l'écoute du disque inséré à la fin du volume. Enregistré par l'ensemble baroque de Pedro Bonet, La Folia, il propose des morceaux de compositeurs sévillans, italiens, allemands, anglais, tous grands voyageurs, pérégrinant de cours en cours, s'influençant les uns les autres et mettant au point une musique baroque internationale. C'est un contrepoint particulièrement bien trouvé au texte : Velázquez, qu'on imagine d'abord comme un peintre de sensibilité « espagnole », était aussi un artiste européen, dont les préoccupations étaient identiques à celles de Rubens ou de Pierre de Cortone. Ce fut un peintre de cour, avec tous les devoirs attachés à cette fonction – particulièrement ceux qui l'obligeaient à peindre portraits et décors palatiaux de grande envergure –, capable de rivaliser avec ceux de Florence ou de Paris. Comme la musique de cour espagnole, passée de l'influence flamande et bourguignonne à celle de l'Italie, sa peinture s'épanouit au contact de l'art de Venise et de Rome. Mais avant cela, Velázquez fut un peintre sévillan parmi d'autres au tournant de 1600. Les premiers chapitres analysent son ascension sociale, en faisant nombre d'hypothèses sur ces années mal connues. La partie intitulée « le ciseau et le pinceau » est particulièrement instructive : la mise en couleur des sculptures était l'apanage des peintres à Séville, selon les règles de la guilde. Lors de son apprentissage, le jeune Diego dut donc peindre des statues religieuses de bois, activité qui éclaire d'un autre jour ses premières toiles. Ses Vierges monumentales aux plis sculpturaux, ses saints en demi-figure ou ses Adorations des Mages peintes comme des reliefs en trois dimensions pourraient dériver de l'art sculpté sévillan. de même, les scènes de genre de ses débuts, ces bodegones au style parfois caravagesque sont parfaitement situées dans les courants de la peinture européenne, tout en étant interprétées à l'aune du petit monde de la peinture espagnole. C'est du reste la force de cette monographie de réussir à articuler parfaitement ce qui relève de la carrière individuelle et ce qui ressortit aux grands courants de l'art du XVIIe siècle. Les années au service du roi à Madrid, ponctuées de deux séjours en Italie, bénéficient de cette méthode d'écriture : on suit parfaitement l'évolution du style de Velázquez, ses ambitions nouvelles dans le grand genre historique, sa maîtrise d'une thématique mythologique qu'il contribua à renouveler en s'appuyant sur l'exemple de Titien. Les Ménines ne sont pas oubliées : G. Kientz rend compte des dernières recherches sur la toile du peintre, tout en ménageant les effets de surprise. On ne dévoilera pas ici le fin mot du tableau pour laisser au lecteur le plaisir de le découvrir par lui-même. On peut en effet lire ce livre comme un « roman vrai » au temps du Siècle d'or, le parcourir pour connaître le dernier état de la recherche sur Velázquez, ou encore le feuilleter pour le plaisir des yeux, car il est magnifiquement illustré.

Par Christine Gouzi, critique parue dans L'Objet d'Art 512, mai 2015
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